Traduction: Vincent Raynaud.
Au même titre que les rencontres de Pétrarque et afin de planter le décor du récit j’aimerai définir les termes du titre.
Ce que l’on nomme « Hillbilly » est communément un stéréotype sociologique concernant principalement certains habitants des Appalaches avec cette notion de ruralité, d’inculture, globalement transcrit par « péquenaud ». Il s’est ensuite généralisé en amendant la situation géographique.
L’élégie est une plainte chagrine, lamentation, situation de désespoir généralement provoquée par un chagrin d’amour, une séparation.
L’auteur nous emmène donc dans sa vie parée de ses racines, attaché à ses aïeuls et marqué par les stigmates de sa région natale et ses ramifications historiques, économiques, industrielles qui tissent une trame saisissante de la société américaine ayant basculé dans le « Trumpisme ».
« Dans ce récit à la fois personnel et politique, J.D. Vance raconte son enfance chaotique dans les Appalaches, cette immense région des États-Unis qui a vu l’industrie du charbon et de la métallurgie péricliter.Il décrit avec humanité et bienveillance la rude vie de ces « petits Blancs » du Midwest que l’on dit xénophobes et qui ont voté pour Donald Trump. Roman autobiographique, roman d’un transfuge, Hillbilly Élégie nous fait entendre la voix d’une classe désillusionnée et pose des questions essentielles. Comment peut-on ne pas manger à sa faim dans le pays le plus riche du monde ? Comment l’Amérique démocrate, ouvrière et digne est-elle devenue républicaine, pauvre et pleine de rancune ? »
Les éditions du Globe nous ont habitués à nous narrer ces tranches de vie, ces peintures de la société américaine avec cet éclairage saisissant sur cette puissance et ses travers. J’en veux cette étude sociologique forte de Sudhir Venkatesh « Trafics » au cœur de New-York nous décrivant de l’intérieur l’économie de la poudre blanche.
Là, pour « Hillbilly Elégie », l’on pourrait affirmer que l’on est aux antipodes du précédent livre cité. On se trouve dans une description avisée, clairvoyante, magnanime d’une société ancrée sur ses préceptes réducteurs. Le récit objecte le profond enracinement dans son histoire et les tuteurs la jalonnant. Il ne renie rien, bien au contraire, il s’appuie sur ses forces puisées dans un mode de vie d’une communauté connotée par ses travers, par des caricatures, par des raccourcis objectant l’essence de mots tels que famille, fraternité, apprentissage. Entre Ohio et Kentucky, la trajectoire et le modelage d’un citoyen se nourrissant tant de ses erreurs, que celles de ses aïeuls, se dirigeant vers une lumière tour à tour blafarde puis éclairant son avenir.
L’ouvrage se divise en deux composantes : les histoires familiales que VANCE raconte et les questions qu’il soulève. La principale probablement est : « Combien devrait-il tenir ses parents responsables de leurs propres malheurs ? » Ce qu’il écrit c’est le désespoir. Que les Etats-Unis prêchent ou pas le discours avancé par l’auteur révèle une confrontation frontale sur un sujet tabou. Sa critique, cadrée, avance que ce n’est pas dans la fumisterie que la culture se délite mais comme traduit par le psychologue Martin Seligman « l’impuissance éprouvée » sur les fondements d’une adversité exagérée et que le fatalisme est porté tel une religion.
D. Vance marque nettement le rapport entre racines et évolution dans la société sans oblitérer d’un rêve américain malgré des handicaps manifestes. Il explicite, alors, à sa manière, la dérive d’une population vers une politique en cherchant à ne plus mettre l’humain au centre de la cité. L’émotion des lignes est intense et la peinture voulue reste confondante d’une société déliquescente sans omettre d’en souligner son potentiel unique dans sa pluralité, ses acquis, son histoire.
Edifiant !
Chouchou.
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