
Gracier la bête est le cinquième roman de l’auteure Gabrielle Massat. La kiné d’origine toulousaine a vraiment lancé sa carrière dans le roman noir avec Le goût du rouge à lèvres de ma mère (Prix du Meilleur Polar des lecteurs Points 2022) et Trente grammes (Prix France Bleu du Polar 2022). Pour cette troisième incursion dans le noir, Gabrielle Massat a décidé d’orienter son propos vers le monde de l’Aide sociale à l’enfance, le parent le plus pauvre du système éducatif.
« Officiellement, la villa des Prunelliers est un foyer d’accueil d’urgence pour mineurs ; en réalité, c’est là où on envoie les enfants placés dont le système ne veut plus, et où les éducateurs en sous-nombre finissent tous par craquer. Quand Till, l’un d’eux, finit par lever la main sur Audrey, quatorze ans, celle-ci fugue et se fait percuter par un chauffard.
Rongé par la culpabilité, Till va la voir tous les jours à l’hôpital, délaissant le reste du monde. Mais lorsqu’il apprend que la mère disparue d’Audrey est peut-être encore en vie, il n’a plus qu’une idée en tête : la retrouver et la ramener à sa fille. Et tant pis s’il y laisse sa carrière, sa raison ou sa vie. »
La culpabilité, la rédemption, la résilience comme dans les plus ricains des romans U.S. seront les moteurs d’action de Till, éduc de 44 ans, fraîchement divorcé et un peu dans le dur, qui a commis, pour lui, la pire des infamies en usant de violence vis-à-vis d’une ado déjà bien démolie par son parcours dans la société. Il sera le fil rouge d’un roman qui, sans prendre de gants, mais sans le marquer non plus d’un pathos exagéré, explorera de bien belle manière le monde de ces gamins et ados enlevés à leurs familles par la justice et parqués dans des unités. Là, tout le monde prie pour que cela se passe bien, « pas de vagues », malgré tous les freins à la bonne marche de ces établissements si sensibles… Ces lieux en France où les équipes en place tentent de palier comme elles peuvent toutes les carences de fonctionnement, les promesses non tenues, l’inertie de l’administration et la douleur des mômes qui expriment souvent leur colère en reproduisant une violence qui les a accompagnés tout au long de leur courte vie.
Alors, bien sûr, les pages sont parfois très douloureuses, cruelles ou émouvantes, mais l’aspect polar est loin d’y être négligé. L’intrigue fonctionne parfaitement, est relancée efficacement, créant un suspense particulièrement porteur. Au final, Gracier la bête se révèle être un document très crédible sur le monde terrible de l’éducation spécialisée mais également un roman tout à fait recommandable.
Clete.
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