On vous avait déjà proposé un entretien avec Benjamin Dierstein au moment de la sortie en janvier de Bleus, Blancs, Rouges le premier volume de la trilogie de l’auteur. Voici donc un petit complément à deux jours de la parution de la suite, « L’étendard sanglant est levé ». Juste un petit teasing pour vous remettre les idées en place avant d’entamer 900 pages furieuses racontant la France de 1980 à 1982.

Nous remercions Benjamin pour sa disponibilité, sa générosité et son souci de toujours rendre son œuvre accessible à tous. A Nyctalopes, on adore Benjamin Dierstein pour sa plume, son intelligence et pour sa personnalité passionnante.

Photo: Jean-Philippe Baltel / Flammarion

Benjamin, on t’avait rencontré en janvier au moment de la sortie de Bleus, blancs, rouges , comment se sont passés ces quelques mois de promotion, de rencontres avec les lecteurs ? Comment a été reçue cette première partie de la trilogie ? Comment vis-tu cette médiatisation ? Fait-elle juste partie du taf ou y trouves-tu des éléments de satisfaction ?

Oui, c’est toujours un plaisir d’aller à la rencontre de ses lecteurs, ça permet d’avoir des retours différents de ce qu’on peut avoir dans la presse. Les lecteurs peuvent être beaucoup plus critiques que les journalistes, parfois ils ne prennent pas de pincettes et peuvent vous dire qu’ils n’ont pas du tout aimé tel ou tel truc. C’est important de s’y confronter, ça permet de sortir de sa bulle de verre et de comprendre la réception réelle d’un roman sur le public.

Pour entrer dans le vif du sujet, penses-tu qu’un lecteur puisse attaquer directement « L’étendard sanglant est levé » sans avoir lu le premier tome ?

Je ne peux que conseiller de lire Bleus, Blancs, Rouges avant, puisque la trilogie n’était à la base qu’un seul et même roman. Les fils narratifs de L’étendard sanglant est levé sont donc directement dans la continuité de ceux de Bleus, Blancs, Rouges. Mais malgré ça, j’ai fait le maximum pour permettre une lecture autonome de L’étendard sanglant est levé, avec un prologue qui expose une intrigue résolue en fin de tome, et un maximum d’informations apportées en début de roman pour pallier à une éventuelle non connaissance de Bleus, Blancs, Rouges. L’étendard sanglant est levé peut donc se lire indépendamment.

Dans un petit mot que tu nous as glissé, tu écris que ce deuxième tome est « plus noir, plus politique aussi ». A quoi doit-on ce crescendo, le destin de tes personnages ? les événements de l’époque ou ta volonté de poursuivre un rythme infernal ?

Oui, c’est lié aux trajectoires des personnages, qui prennent une forme que j’ai l’habitude d’utiliser et qui est celle d’une descente aux enfers. Bleus, Blancs, Rouges était plus léger parce qu’il exposait les personnages et qu’il prenait le temps de permettre au lecteur de les découvrir avec toutes leurs qualités et leurs défauts. L’étendard sanglant est levé est plus sombre parce qu’ils arrivent à un moment du récit où ils commencent à en prendre plein la gueule. Le troisième tome sera plus noir encore parce que j’aime quand ça termine en feu d’artifice. Mais avec quand même, bien sûr, énormément de second degré et de dialogues potaches comme dans Bleus, Blancs, Rouges. Ca permet de faire passer la pilule plus facilement !

Dans « L’étendard sanglant est levé », tu écris un très beau chapitre quasi contemplatif sur le Finistère, la Bretagne. Les racines ont-elles une importance particulière pour toi ? Te sens-tu breton ?

Oui, je suis né à Lannion et j’adore ma région. L’époque que je décris dans la trilogie est notamment celle des événements de Plogoff, ça me paraissait donc nécessaire de placer une scène là-bas. J’en ai profité pour écrire une autre scène dans le Kreiz Breizh, quelque part au sud de Guingamp, où le personnage en question, après être passé à Plogoff, retourne voir ses parents et évoque avec eux la fin de l’agriculture paysanne et l’exode de la jeunesse qui transforme les campagnes bretonnes en déserts. Ces sujets liés aux territoires me tiennent particulièrement à cœur, parce que quand on y regarde de plus près, on voit que la République, à une époque, a tout fait pour étouffer les cultures locales et perpétuer les logiques de colonisation au sein même de l’Hexagone. Je parle aussi de tous ces sujets via le FLNC et les nombreuses scènes en Corse, qui deviennent le coeur du récit à la fin du roman.

Plogoff 1980 / Archives Ouest France.

J’ai entendu dire que les droits de « Bleus, Blancs, rouges » avaient été vendus, un projet télévisuel est-il lancé ?

Oui, on va rentrer dans la phase d’écriture là. Il va y avoir pas mal de boulot sur l’adaptation, dans l’idée d’en faire une série de 6 ou 8 épisodes. Il y a une très belle équipe dans la boucle, notamment côté mise en scène, mais je vais garder ces noms secrets pour l’instant !

Le troisième volume de ta trilogie sortira début 2026, as-tu déjà la date de parution, un titre à nous révéler ? Jusqu’où comptes-tu nous immerger dans cette France des années 80 ?

Le troisième tome s’appellera 14 Juillet et couvrira la période qui va de juillet 1982 à juillet 1984. On assistera entre autres à l’attentat de la rue des Rosiers, à la création de la cellule antiterroriste de l’Elysée, au débarquement du commissaire Broussard en Corse, aux événements du Liban, à l’arrivée du sida et aux batailles internes des socialistes à propos de la crise économique, qui aboutiront au choix d’inscrire pleinement la France dans la mondialisation, ce qui mènera de facto à l’abandon des classes populaires et au score historique du Front National en juin 1984. Le roman est prévu pour début janvier.

Entretien réalisé en septembre 2025 par échange de mails.

Allez EAG !

Clete.