Traduction: Héloïse Esquié.

Paul Howarth primo romancier anglais a vécu plusieurs années à Melbourne avant de regagner son île d’origine et évidemment l’outback lui a fourni le décor du western australien qui arrive chez les libraires cet automne précédé de nombreuses critiques positives outre Manche.

Australie, Queensland, 1885. Une vague de sécheresse conduit la famille McBride au bord de la ruine. Leur terre est stérile, leur bétail affamé. Lorsque la pluie revient enfin, la famille pense être tirée d’affaire. Mais le destin en a décidé autrement. Un soir en rentrant chez eux, Billy et Tommy, les jeunes fils McBride, découvrent leur famille massacrée. Billy soupçonne immédiatement leur ancien vacher aborigène. Les deux garçons se tournent vers John Sullivan, leur riche et cruel voisin, pour qu’il les aide à retrouver le coupable. Malgré les réticences du jeune Tommy, Sullivan fait appel à la Police aborigène, menée par l’inquiétant inspecteur Edmund Noone. Les frères McBride vont alors être entraînés dans une chasse à l’homme sanguinaire à travers l’outback désertique.”

Il y aurait beaucoup à dire sur ce premier roman ambitieux qui peut se concevoir comme un western de la frontière quand les colons s’attaquent aux territoires encore vierges pour eux et s’en prennent aux tribus indiennes présentes sur ces terres. De fait, “le diable dans la peau” reprend ce principe mais dans une version australienne avec les populations aborigènes comme accusées et victimes. L’histoire est d’ailleurs écrite avec un talent certain qui continue d’opérer même dans les moments les moins captivants. Il faut bien reconnaître que le roman met bien cent bonnes pages à vraiment démarrer, l’auteur s’évertuant à montrer la misère de la famille McBride malgré le labeur incessant qui est le leur, une description très (trop) détaillée de leur pauvre existence qui par moments rappelle l’application d’ un James Agee dont l’objectif littéraire était bien différent.

Dans une deuxième partie qui rappellera évidemment Cormac McCarthy dans la démonstration de la folie meurtrière des hommes comme dans ses personnages à l’image d’un Noone, terrible figure du mal très pragmatique et convaincante, citant Darwin pour justifier les massacres, et parfait parent littéraire du juge Holden de “Méridien de sang”, le western prend tout sa mesure et l’histoire devient méchamment violente, crue, barbare. Tueries et abominations se succèdent à un rythme apocalyptique jusqu’au massacre final qui scellera le retour des “vengeurs” au bercail.

“Ils les massacrèrent. À part quelques femmes qu’ils gardèrent pour les revendre, ils les massacrèrent tous.”

Puis ce sera l’heure du choix pour Tommy et Billy les deux frères, une fois le cauchemar et leurs propres exactions, un tant soit peu, digérés, assimilés. Quel choix, quel avenir pour les deux enfants: accepter la tyrannie des colons, accepter le colonialisme, accepter le nettoyage ethnique au nom de la Couronne ou partir… reprendre la vie misérable de leurs parents ou s’ égarer aux côtés d’une ordure comme John Sullivan. Parfois comparé au roman de Phillip Meyer “le fils” dont il ne peut décemment pas revendiquer  égale ampleur avec cette histoire assez simple dont l’issue est hélas très prévisible dès le départ et encore moins avec l’âge des deux frères dont les agissements sont dictés beaucoup plus la naïveté de l’enfance, dont ils ne sont pas encore réellement sortis, que par des choix humanistes,  philosophiques voire économiques et politiques comme chez Meyer , “le diable dans la peau” éclaire néanmoins parfaitement sur le XIXème siècle et les terribles relents du colonialisme, du racisme, de l’impérialisme et du capitalisme naissant en Australie, à l’image de la situation américaine.

Assurément, Paul Howarth a du talent et deviendra peut-être incontournable un jour quand il aura réussi à trouver sa propre voie, différente de ses glorieux pairs. Si “le diable dans la peau” n’est pas un grand roman, il se distingue néanmoins et offre le plaisir d’un roman intelligent, d’un western des antipodes violent et d’un niveau bien au-dessus de la moyenne.

Wollanup.