La trajectoire, la diagonale, d’un jeune homme en devenir investi par le noble art se voit infléchie par la rencontre d’une jeune femme diaphane qui colorisera son existence. C’est une diagonale de vie car elle se joue sur trois bandes. Son passé qu’il tente de dompter, de comprendre, cette « première » vie qui l’aura lacéré aussi bien physiquement que dans sa psyché. Il tente de composer avec ses fêlures, ses questions sans réponses. Mais c’est aussi sur celles-ci qu’il trouve un biais émancipateur. La boxe où il va lutter avec ses poings au centre de ce carré afin d’expurger ce passé douloureux. C’est son présent. La troisième bande de ce triangle rectangle est l’émanation d’une rencontre fulgurante, obsessionnelle, passionnelle pour laquelle son cap va virer. Passé, présent, avenir se confondent dans de tourments lumineux, soufflant le chaud et le froid. S’embarquer dans ce roman est juste un pur moment de Rock’n’Roll maudit.

«Roman veut devenir boxeur. Il se rêve déjà professionnel lorsqu’il intègre une prestigieuse académie qui fera de lui un champion. Un soir, il rencontre Ana, une jeune fille qui va changer sa vie. Entre drogues, sexe, alcool, amour et délinquance, ces deux écorchés vont s’offrir une parenthèse enchantée. Mais tout tourne très vite au cauchemar. Comme s’il était impossible d’échapper à son destin. Juste une balle perdue raconte cette saison entre paradis et enfer. »

L’auteur reste probablement plus connu pour ses productions musicales or il n’en est pas à son coup d’essai dans la littérature après son roman La Nuit Ne Viendra Jamais. D’une histoire et d’un parcours qui conjuguent allègrement le cinéma en passant par la FEMIS, la musique, évidemment, avec ses débuts comme guitariste et chanteur du groupe Post-rock Polagirl puis résolument Rock avec Super 8. Il n’en oublie pourtant pas de se passionner et de pratiquer, outre le noble art, le jeu à 15 avec ce ballon capricieux. Si l’on se penche sur l’écriture de ses albums successifs on tend à remarquer sa propension pour le texte léché, pour sa volonté sous jacente d’y parsemer un peu de surréalisme. (D’où consciemment son attachement et ses collaborations avec Bashung…)

Pour ce roman il est bien dans une réalité brute. Brute dans toutes les dimensions du terme. La vie de Roman n’est pas celle d’un roman de gare mais elle met bien au ban les scarifications d’un passé qui le hante. C’est dans cet amour, en suivant une autre voie, qu’il va tenter d’essarter celui-ci. Il se fixe d’autres objectifs tout en se livrant corps et âme pour cette passion dévorante. Dans sa capacité à conter cette flamme intérieure l’auteur nous donne la lecture d’un tempo non linéaire. Tantôt purement Rock, il la ponctue  avec à-propos par des passages lyriques empreints d’une naturalité assumée et apaisante. Le romancier aurait-il lu Gracq ou Maupassant? Confronté à ces changements de rythme on tourne les pages avec avidité délesté de toute satiété. On prend du plaisir avec Roman et Ana, on tachycarde avec eux, on compatit à leurs doutes, on jouit du temps présent. La balistique de ces deux vies obéit-elle à des lois physiques? 

De ce récit pyrétique, on en ressort fier de les avoir accompagnés, mélancolique de les abandonner. Sous cette plume dotée de crochets déroutants, de raffuts dévastateurs, la lumière est bien présente. Une lumière de contre-jour entre nuances de gris et rouge clinquants.

Juste une Balle Perdue un roman majuscule!

Chouchou