Traduction: Danièle Bondil
Une Femme d’Enfer, précédemment publié sous le titre « Des Cliques et des Cloaques » en 1967 pour sa version française, est l’ouvrage de Jim Thompson sur lequel Alain Corneau s’est librement appuyé pour nous conter son long métrage « Série Noire ». Il nous dépeint des destinées obscures qui ne semblent pas posséder d’avenir. Ce sont des petites gens qui survivent et tentent de s’accrocher à des chimères dont, eux-mêmes, ne sont pas dupes. Ils avalisent, sans volonté consciente, des bifurcations sur leurs routes d’existences les menant sans variations à leur perte. Sûrement pas de grandiloquence dans ce texte où l’émotion affleure par des vies moroses.
Et l’on ne peut que se lancer dans ce récit en traquant les analogies entre l’oeuvre littéraire originelle et l’adaptation cinématographique; On cherche Marie Trintignant, on reconnaît les traits de Patrick Dewaere et jubilons à y apercevoir Bernard Blier.
«Frank Dillon, petit vendeur au porte-à-porte, n’arrive plus à joindre les deux bouts et donne le change en maquillant ses bons de commande. Un jour, il sonne chez une vieille acariâtre qui, en guise de paiement, lui propose sa nièce Mona ! Touché par la jeune fille, Frank lui promet de l’aider. Mais il est bientôt arrêté pour détournement de fonds, premier pas vers la chute… »
Sans aucun doute la production de Corneau reste fidèle à l’essence créatrice de Thompson. Il conserve bien entendu le climat, l’univers poisseux, putride, glauque en instillant avec perversion la tension grandissante du VRP (Dillon/ Poupart prénommés tous les deux Franck). La mise en images du roman n’était pourtant pas chose aisée. Par le texte contraint à un cadre rigide et des protagonistes qui s’enfoncent dans une folie propre, il gomme tout acte moral et ne cède pas à la volonté d’exposer les mobiles, les explications menant à l’inéluctable. L’écriture sèche nous plonge sans ménagement vers le côté sombre de l’âme humaine. Il réussit à créer une tension progressive et s’appuie, par la même, sur des personnages perdant leurs repères.
Par ce roman noir, il parvient à nous transmettre une dose d’empathie pour des êtres amoraux, à daigner entrevoir leur candeur lacérée, leur impéritie à résister…
Noir, noir sans espoir!
Chouchou
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