Tous des Loups

Dans un village isolé et inhospitalier du Nord canadien, la rumeur court. Un homme en fuite, accusé d’avoir assassiné froidement sa femme et son enfant, se terrerait dans la forêt boréale.

Matthew Callwood vient de prendre son poste dans la région. Jeune policier idéaliste et téméraire, il se heurte rapidement à l’inertie de ses collègues, qui boivent et fricotent avec les trafiquants du coin. Malgré tout déterminé à retrouver la trace du meurtrier en cavale, Callwood entreprend une traque sans relâche.

Mais au fil des mois, dans un dédale de lacs et de marais aux confins indéfinissables, le policier comprend qu’il a affaire à plus fort que lui. Et le chasseur devient le chassé. Sur un territoire démesuré au climat féroce, la nature sauvage reprend toujours ses droits…

Ronald Lavallée, un auteur dont je n’avais même jamais entendu parler. Il faut dire qu’il est aisé de passer à côté car Monsieur est assez peu productif. A la lisière du monde, son nouveau roman publié aux Presses de la Cité, n’est que son quatrième en 38 ans. Cela m’a d’emblée rappelé un cas similaire avec Terrence Malick qui, en 38 ans lui aussi, n’aura réalisé que cinq films, avant d’accélérer le rythme à compter de The Tree of life (2011). Mais ce n’est pas leur seul point commun. Les deux partagent un goût certain pour la nature et ses grands espaces. Si vous cherchez du dépaysement, c’est ce livre qu’il vous faut.

Nombreux sont celles et ceux qui rêvent du Canada. Cependant, on oublie parfois que le Canada, ça peut aussi être l’enfer. C’est ce que va découvrir, en 1914, Matthew Callwood, un jeune fils de bourgeois alors en proie à une déception amoureuse et gonflé d’un héroïsme naïf, en s’engageant dans la police pour un poste dans le fin fond du Saskatchewan. Là-bas, il n’y a strictement à faire et la justice des blancs ne connaît pas exactement un franc succès face aux Cris, ni face aux trafiquant d’alcool du coin. Le temps s’annonce long, très long, alors même que la guerre éclate en Europe. Néanmoins, il se raconte qu’un certain Moïse Corneau, un homme accusé du meurtre de sa famille alors en cavale, se cacherait quelque part dans ces immenses forêts. Il voit là l’occasion rêvée pour s’investir d’une mission qui devrait lui assurer respect et reconnaissance, et même lui donner l’opportunité de quitter cet endroit avec les honneurs. 

En s’engageant à la poursuite de Moïse Corneau, Matthew Callwood va se prendre de plein fouet les réalités du territoire qu’il doit affronter. Ici la nature est immense, rude, sauvage et sans pitié. Tout dans cet environnement est question de survie. Aussi, les locaux vivent selon leurs propres règles et n’ont que peu d’intérêt pour ses principes et ses lois. La tâche dans laquelle il s’est investi  paraît rapidement vouée à l’échec et tous les éléments se liguent contre lui.

Ronald Lavallée est extrêmement doué et convaincant lorsqu’il s’agit de décrire ces forêts boréales. L’immersion est totale pour le lecteur. Le voyage est aussi violent que fascinant. Si vous avez le goût de l’aventure, vous n’aurez qu’une envie après lecture, aller explorer ce Grand Nord canadien. Mais si vous avez un minimum de bon sens, vous n’y mettrez certainement jamais les pieds. Du « nature writing » comment on aimerait en lire plus souvent.

Avec A la lisière du monde, Ronald Lavallée signe ce qui sera peut-être le grand récit d’aventure de cette année 2024. On pense forcément à Jack London et on ne peut qu’apprécier retrouver un tel souffle romanesque qui nous tient en haleine de bout en bout. Maitrisé sur toute la ligne et le plus frustrant est de tourner la dernière page. Contrairement aux personnages qui peuplent ce livre, nul besoin, pour les lecteurs, de lutter pour en voir la fin.

Brother Jo.