Nothing Can Hurt You

Traduction: Floriane Herrero

Un jour d’hiver 1997, la jeune Sara Morgan est retrouvée morte dans les bois, non loin de son université. Son petit ami est jugé puis acquitté. Dès lors, ce crime odieux, impuni, hante les membres de la communauté entourant le jeune couple : la mère de Sara devenue médium, la jeune femme ayant découvert le corps, ou encore une journaliste débutante documentant l’affaire. Cette dernière cherche un lien avec le procès en cours de John Logan, un tueur en série sévissant dans la région…

A nouveau une illustre inconnue, ici l’Américaine Nicola Maye Goldberg, qui arrive jusqu’à nous grâce à la maison d’édition Le Gospel. Rien ne pourra t’atteindre est un premier roman noir plein de promesses si on se fie au descriptif de l’éditeur : « Ce premier roman pourrait être le miroir gothique de l’univers de Gillian Flynn, baigné de l’influence de la série Twin Peaks et verni de nostalgie 90’s. » Je ne sais pas vous, mais moi, ça me fait tout de suite envie.

D’emblée, il y a de quoi se dire, encore l’histoire d’une femme morte assassinée par son petit ami. Et ce serait juste de penser cela car, autant dans la fiction, que malheureusement dans la réalité, c’est un cas de figure qui tend à se répéter. C’est d’ailleurs, d’une certaine façon, ce que nous raconte ce livre qui se fait l’écho de la réalité et serait d’ailleurs inspiré d’une histoire vraie. Nicola Maye Goldberg nous immerge dans une communauté traversée par un drame, la mort d’une jeune femme, une victime parmi d’autres, vouée à l’oubli et dont l’histoire personnelle est fatalement supplantée par celle du tueur qui, on le sait, fascine toujours dans la société qui est la notre. Mais en pénétrant dans la vie ordinaire d’une galerie de personnages ayant tous un lien avec la victime, ce pour mieux nous raconter cette mort brutale et ses conséquences, elle donne une perspective plus intime à un fait divers sordide. Pour autant, nulle enquête, nul mystère à résoudre. On connaît le tueur et les conclusions de la justice. Celui-ci n’a jamais été incarcéré, le verdict ayant été « l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ». Puis la vie a suivi son cours pour celles et ceux qui ont connu Sara, la victime. Donc ni enquête, ni volonté de refaire le procès. Pas un roman policier, ni un thriller, ni un roman à suspens. Simplement le constat d’une réalité. Est-ce juste qu’elle soit morte et lui vivant et libre ? C’est la question qui demeure en suspens. Et comme toujours, un tel fait divers éveille le côté obsessionnel des uns ou voyeuriste des autres.

Écrit d’une plume dépouillée et particulièrement fluide, l’originalité de Rien ne pourra t’atteindre réside avant tout dans son procédé narratif sous forme de roman choral. Chaque chapitre est consacré à un personnage différent et selon son propre point de vue. Ainsi, les chapitres tiennent plus de vignettes ou de nouvelles, qui s’assemblent comme les pièces d’un puzzle. Un puzzle dont on n’a pas toutes les pièces mais assez pour avoir une image d’ensemble évocatrice. Alors, si parfois une telle construction peut nous laisser une impression de profusion de personnages et de confusion, nous faisant perdre le fil du récit, il n’en est rien ici. C’est intelligemment mené et complètement prenant.

C’est un peu la marque de fabrique du Gospel, Rien ne pourra t’atteindre de Nicola Maye Goldberg n’est évidemment pas un livre pour tout le monde. Mais qu’on se le dise, on a là l’un des page-turners de l’année. Un roman noir absorbant et en marge de ce qui se fait habituellement dans le domaine. Également un bon rappel que ceux qui aiment ou disent aimer, sont aussi capables de violence, et que les femmes en sont généralement les premières victimes.

Brother Jo.