Chroniques noires et partisanes

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LA FILLE AUX PAPILLONS de Rene Denfeld / Rivages.

The Butterfly Girl

Traduction:Pierre Bondil.

“La fille aux papillons” est la suite de “Trouver l’enfant” paru en 2019. On y retrouve la même enquêtrice Naomi, spécialisée dans les recherches d’enfants disparus. Elle peut se lire indépendamment du premier mais il serait dommage de ne pas doubler le plaisir.

“En enquêtant sur la disparition de sa sœur, Naomi, « la femme qui retrouvait les enfants », croise le chemin d’une fille des rues de Portland nommée Celia. Naomi tente de faire reconnaître le viol dont a été victime Celia et remonte la trace d’une série de meurtres de jeunes filles.”

Changement de décor dans ce deuxième roman de la série puisque nous quittons un théâtre de forêts bouffeuses d’enfants pour gagner l’enfer des villes pour les gosses des rues en ban de famille. Ici, comme dans le premier opus, Rene Denfeld aborde le thème de la violence faite aux enfants. D’ailleurs les deux romans développent tellement d’empathie pour les victimes adolescentes que parfois, le personnage de Naomi pourtant complexe et passionnant, en vient à s’effacer.

Si Rene Denfeld fait bien vivre et ressentir la souffrance humaine par une mise en scène dramatique efficace, elle s’attache par ailleurs à mettre en avant la suprématie de la littérature, ultime et magnifique rempart contre la barbarie. Dans “ Trouver l’enfant”, Madison échappait à son bourreau grâce à l’univers des contes. Dans celui-ci Celia s’échappe de son enfer grâce à la bibliothèque municipale où elle retrouve son livre fétiche sur les papillons. 

Roman profondément américain, “La fille aux papillons” explore intelligemment l’un des thèmes favoris outre Atlantique, celui de la résilience. Celle des enquêteurs ou celle des victimes, qu’importe, dans les deux cas, l’auteur nous immerge douloureusement et totalement dans la vie et les pensées des protagonistes. 

Roman recommandable par les portraits touchants et même bouleversants parfois, qui sentent l’authentique, le macadam qui fait mal, la rue comme une jungle où il faut tenter de survivre à l’âge où on doit normalement fréquenter les cours de récréation. N’oublions pas que Rene Denfeld sait de quoi elle parle. L’auteur ayant elle-même vécu dans la rue à l’adolescence, on peut raisonnablement penser que ce livre est beaucoup plus intime, plus personnel pour elle. Sa résilience ?

Dérangeant et bouleversant.

Clete.

TROUVER L’ENFANT de Rene Denfeld / Rivages / Noir

Traduction: Pierre Bondil

“Madison Culver a disparu alors que ses parents choisissaient un arbre de Noël dans la forêt nationale de Skookum, Oregon. Elle aurait aujourd’hui huit ans. Certains qu’elle est encore vivante, les Culver se tournent vers Naomi Cottle. Enquêtrice privée connue de la police comme « la femme qui retrouve les enfants », Naomi est leur dernier espoir. Sa recherche méthodique l’emmène dans les terres sauvages du Nord-Ouest Pacifique, et au coeur de son propre passé. Alors que Naomi suit la piste de l’enfant, les fragments d’un rêve sombre viennent lui rappeler une perte terrible depuis longtemps refoulée.”

Alors les romans parlant des disparitions d’enfant sont légions et beaucoup d’amateurs de polar sont lassés  du sujet tant les différents aspects ont déjà été lus et relus avec avec plus ou moins de talent, plus ou moins de force, donnant des histoires plus ou moins réussies. Mais, parfois certains se distinguent du lot soit par leurs qualités d’écriture ou par leurs intrigues urgentes, addictives voire violentes. Et assurément, celui-ci, premier d’une série, sans renouveler le genre lui donne des lettres de noblesse à l’égal du formidable “filles” de Frederick Busch qui malgré une intrigue bien différente montre la même force, le même entêtement, la même détermination ou folie dans la recherche de la personne disparue.

Alors, bien sûr, on ne peut tout renouveler et on retrouve les parents détruits, les recherches en amont abandonnées, les flics locaux, les tâtonnements, les faux coupables, les échecs, les soupçons, le détail qui éclaire mais Rene Denfeld est allée beaucoup plus loin pour créer un roman exemplaire et particulièrement original. Evidemment, on s’en doute puis on le sait, Madison est vivante, retenue prisonnière depuis trois ans, vit un cauchemar qui nous sera conté avec énormément de pudeur, rendant finalement le propos encore plus cruel par ses non-dits ravageurs et créant par là un très beau personnage qui risque de vous briser. Naomi, par son histoire, par sa quête à jamais reconduite, par sa force saura elle aussi vous chavirer, faire vôtre sa reconstruction douloureuse.

Ne vous arrêtez pas à la couverture avec ces pôvres huskies à collier suggérant Perrault ou Grimm. Même si l’univers des contes est bien présent dans le roman lui apportant une magnifique et prégnante touche poétique noire, la puissance du roman est ailleurs. On pourra peut-être s’interroger sur les compétences de lectrice précoce de Madison ou sur ses réflexions pas toujours très en phase avec le supposé développement psychologique d’une enfant de cet âge mais ce ne sont que menus détails par rapport à l’originalité du traitement du sujet offert par Rene Denfeld.

Sans entrer dans des détails qui pourraient spoiler une intrigue particulièrement bien menée, l’auteure nous raconte trois terribles histoires: celle d’un personnage qui vit l’enfer de l’enlèvement, d’un second qui l’a vécu et d’un troisième qui l’a vécu, le vit et le vivra éternellement et si l’histoire est douloureuse, grave, horrible, elle est avant tout particulièrement talentueuse. Trois destins et le même pandémonium.

Superbe.

Wollanup.

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