traduction:Sophie Aslanides
La collection néo-noir de Gallmeister, à peine un an d’existence, est déjà devenue un rendez-vous incontournable pour les amateurs de Noir ricain. Il faut dire que parrainée par un remarquable Benjamin Whitmer, elle ne pouvait que connaître et dès les premières parutions qu’un grand succès auprès de ceux qui adorent le Noir qui bouge, qui cogne, qui horrifie, qui offre un très grand plaisir de lecture. Après l’effroyable « Corrosion » en janvier, voici donc le deuxième opus de l’année avec un nouveau roman de Jack Hinkson après « l’enfer de Church Street » lauréat du Prix Mystère de la Critique (Meilleur roman étranger) et faisant partie des 10 meilleurs polars sélectionnés par le magazine Lire en 2015 prouvant ainsi que dès le départ la collection a trouvé son public et peut être d’ores et déjà considérée comme un Must du genre. Je me demande seulement pourquoi « Cry Father » de Whitmer n’a pas obtenu, lui, cette récompense… enfin.
« Les choses ont vraiment mal tourné quand Elliott s’est suicidé. Ou plutôt quand il a raté son suicide. Car après être resté mort pendant trois minutes, le voici ramené à la vie. Et il y a cette jeune infirmière un peu étrange qui prend soin de lui. Il n’a toujours rien à perdre alors pourquoi ne pas faire un bout de chemin avec elle. Mais une fille comme ça ne voyage jamais seule, alors Elliott devra composer avec des jumeaux débiles. Et Stan the Man. »
Alors si vous n’avez jamais ouvert un roman de la collection neonoir, vous allez être sûrement bien secoués par le cocktail rednecks, violence, tourments, drogue, flingues, coups foireux, personnages au bord de la rupture, déchaînement final qui est particulièrement bien réussi et crée des romans plutôt courts et extrêmement agités dans la veine d’un JimThompson qui a si bien écrit sur les losers, les rejetés de l’Amérique, les sociopathes comme les psychopathes. Tous ces nouveaux auteurs, à qui la maison Gallmeister a offert un blanc seing pour nous montrer les pire déviances de la société américaine actuelle et les combines malhonnêtes et meurtrières utilisées par des racailles ou des gens désespérés pour s’en sortir, suivent bien les traces du grand maître Thompson et font le job d’une manière efficace, sans temps morts avec leur lot de violences et d’actes barbares. Le lecteur débutant s’attaquant à un Neonoir doit absolument savoir qu’il va vivre une expérience qui peut s’avérer parfois assez traumatisante tant la violence est présente et visible, rendue encore plus terrible par l’insouciance, l’absence de remords des bourreaux.
Personnellement, en temps qu’habitué de la collection et de ces lectures noires ricaines, je dois dire que pour une fois, et même si j’ai dévoré le livre en deux heures, je n’ai pas été aussi séduit qu’à l’habitude et je ne pense pas que ce soit le fait d’une certaine lassitude. Le roman m’a paru trop court, privilégiant uniquement l’action, laissant trop de parts d’ombre chez les personnages, certains disparaissant avant que l’auteur ne nous les fasse vraiment connaître autrement que très superficiellement. Malgré cela, on sent la crise de la société dans les actes, les réflexions, les pensées mais ce n’est pas suffisamment traité à mon goût pour qu’on sente l’aspect social ambiant déplorable créant ce genre de situations. On privilégie l’action et c’est un choix qui se respecte. Violence, coup foireux, trafic de drogue, associés débiles et génie du mal, duel final sont bien présents et on peut y adjoindre aussi le classique des polars ricains la rédemption et encore …la religion qui est une autre grande réalité de la société américaine.
Tout ceci donne un polar qui fonce, ne ralentit pas mais qui peut-être ne laissera pas un souvenir impérissable parce que finalement assez prévisible pour l’habitué vu le schéma initial mis en place et ceci malgré certains chapitres et coups d’éclat très réussis. Alors, attention, le fan y trouvera son bonheur et ce roman est à conseiller aussi à ceux qui n’ont jamais lu cette collection car il est sûrement moins extrême que certains sortis l’an dernier.
Neonoir continue donc à montrer, noirceur et violence d’ une certaine Amérique underground mais n’a pas pour objectif de l’expliquer se concentrant sur l’incitation au crime et à la délinquance que l’époque provoque chez les moins armés intellectuellement, les plus déterminés, les plus pourris et les plus désespérés. Et c’est chaud!
Wollanup.
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