The Long Knives
Traduction: Diniz Galhos

« Raciste et corrompu, le député Ritchie Gulliver est retrouvé mort dans un entrepôt d’Édimbourg.
Les suspects sont nombreux : concurrents, opposants politiques, victimes de ses escroqueries…
Sorti de désintoxication, l’inspecteur Ray Lennox est chargé de l’enquête. »
Quand on parle de polar écossais, on a tendance, et je fais mon mea culpa, à citer William McIlvanney et son fils Liam McIlvanney, Ian Rankin, Val McDermid ou à s’émerveiller sur Alan Parks quand on n’a jamais ouvert un roman glaswégien du clan McIlvanney. Alors peut-être est-ce parce qu’il n’écrit pas que des polars ou qu’il n’est pas dans la hype mais on oublie souvent de citer celui qui nous emmène vraiment dans le pire de l’Ecosse, à Edimbourg, je veux parler d’Irvine Welsh. Sûrement trop réaliste dans ses écrits, trop effrayant pour le lecteur en quête de polars d’investigation grand public, l’auteur de Trainspotting continue pourtant à écrire des polars qui flinguent ses lecteurs courageux tout en poursuivant sans relâche une critique méchamment acerbe de notre société consumériste et des nantis qui bénéficient de l’impunité pour leurs méfaits et saloperies.
Utilisant un parler spécifique de la capitale écossaise, Welsh nous plonge non pas dans le caniveau mais au plus profond des égouts d’Edimbourg et c’est moche, c’est sale, désespéré et certainement plus proche d’auteurs ricains comme Palahniuk de Fight club ou Brett Easton Ellis d’American psycho que de ses compatriotes.
Suite de Crime (2008) sorti en 2014 Au diable Vauvert et adapté en 2021 en une série très réussie visible actuellement sur Polar+ avec un Dougray Scott très convaincant dans le rôle de Ray Lennox flic borderline poursuivant un psychopathe, Les longs couteaux ne nécessite pas d’avoir lu le précédent pour entrer dans l’enfer. Aucun problème pour suivre, si on a les couilles (vulgarité volontaire mais totalement justifiée), Ian Lennox dans son terrible chemin de croix. Lennox subit pas mal de traumatismes et addictions qu’on attribue souvent aux flics de polars mais à la différence de certains auteurs qui accumulent les poncifs, chez Welsh tout parait très crédible, très en phase avec la terrible quête de Lennox aidé par un flic londonien aussi tourmenté que lui nommé Mark Hollis (un hommage au leader disparu de Talk Talk ?).
Irvine Welsh aurait raté le Booker Prize en choquant la sensibilité de certains membres du jury et on veut bien le croire. Ce roman trash, vulgaire diront certains détracteurs ou tout simplement très réaliste comme énonceront ses partisans dont je fais assurément partie ne s’adresse pas à tous les publics et il suffira au lecteur d’aller au bout d’un prologue éprouvant pour savoir s’il est prêt psychologiquement à accompagner Ray Lennox dans cette série de meurtres par émasculation. Oui quand même, c’est mieux de prévenir. Dans cette traversée du Styx uniquement tempérée par un humour aussi sombre que le climat ambiant, Welsh nous raconte les bas-fonds d’Edimbourg, nous convie à des excursions glauques à Londres et fait naître les origines de l’abomination plus loin, sur les pistes de ski des Alpes et à Téhéran dans la barbarie iranienne des mollahs.
« Les changements constants et rapides de notre monde cantonnaient le peuple dans un état de peur et de soumission absolu. Dressés à accepter leur propre servilité par la culture de la téléréalité et des tabloïds, ils en venaient à tolérer, voire à vénérer les abus des élites. »
Le verbe est puissant, les attaques contre les élites particulièrement percutantes, la faiblesse humaine est appréhendée à chaque page. Effroyable cauchemar, Les longs couteaux d’Irvine Welsh est un très grand polar certes trash mais également admirable dans son discours… pour public très averti.
Clete
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