Jean de La Ville de Mirmont n’a publié qu’un seul roman, à compte d’auteur, avant de mourir à vingt-sept ans sur le front en 1914. Un seul roman qui n’a jamais fait l’actualité ni jadis ni maintenant sauf pour les rares initiés, les rares élus qui, par hasard ou par le bouche à oreille ont pu lire Les dimanches de Jean Dézert, toujours édité par la collection “La petite Vermillon”.
Les éditions Finitude nous offrent ainsi un petit bonheur à partager avec ce grand format joliment illustré par Christian Cailleaux avec des images qui rappellent parfois Tardi mais en tendres gris colorés, la vraie couleur de l’histoire. On n’est pas dans le Noir, juste à la limite, mais attention à cette histoire paraissant si naïve.
Jean Dézert est un homme jeune qui n’a pu être mobilisé en 1914 à cause de son extrême maigreur. Il vit une existence simple, banale, monotone toute la semaine. Il quitte son appartement au plafond bas tous les matins pour aller travailler dans un ministère où il occupe un poste subalterne.
Son travail n’occupe guère sa pensée. Il s’agit de compléter des imprimés, de communiquer ou de transmettre, selon le cas, des pièces à d’autres services. Et puis il ne faut pas oublier la différence qui existe entre la formule “faire connaître” et celle “faire savoir”.
Ses soirées, ses nuits comme son cœur sont solitaires aussi. On ne sait si on doit s’attrister ou si finalement cette vie répétitive lui convient tellement il est prompt à toujours se mettre en retrait. En fait, et cela nous est révélé rapidement, Jean Dézert ne vit que pour les dimanches.
“Le dimanche, c’est toute la vie de Jean Dézert. Il apprécie ce jour que si peu de personnes comprennent. Il ne se fatigue point de parcourir et d’errer le long des grands boulevards.”
On le suit ainsi dans ses déambulations à travers le Paris d’antan, les quartiers fréquentés, les lieux plus secrets, le faste et le discret, tout lui plaît et l’auteur, par sa plume qui n’a l’air de rien pourtant, nous fait partager cet émerveillement de Jean Dézert devant le lumières de la ville.
Et puis arrive Elvire, une toute jeune femme, et Jean Dézert voit poindre puis éclore un sentiment amoureux mais n’est-ce pas trop pour lui ? Cette relation ne va-t-elle pas gâcher une vie si bien rangée, ordonnée ? Jean Dézert peut-il atteindre le bonheur d’une vie de couple ou va-t-il tout droit à la catastrophe, le drame ? L’amour a ses mystères et les femmes bien plus encore…
À l’heure du casse-tête des étrennes, voici un court roman à glisser sous le sapin. Tout y est charmant, simple, joli. La belle désuétude de la plume est enivrante et on se régale de pépites de phrases où évoluent des passés du subjonctif, un lexique devenu obsolète, une grammaire exécutée dans les règles de l’art, au service d’une histoire touchante.
En refermant le livre, s’immisce une certaine tristesse en s’interrogeant sur la part autobiographique du roman. Jean de la Ville de Mirmont était aussi employé d’une grande administration, avait été réformé pour maigreur en 1914 mais avait réussi à être incorporé finalement en septembre pour périr au front deux mois plus tard, laissant encore plus seul l’infortuné Jean Dézert.
Un petit bijou de finesse.
Clete
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