Traduction de Clément Baude.
On ne présente plus le grand écrivain britannique R. J. Ellory, maître du suspense ! Il nous offre toujours des histoires riches et fortes sur des thèmes importants de l’histoire américaine. « Après la mafia dans Vendetta, les services secrets dans Les Anonymes et le NYPD dans Les Anges de New York, R.J. Ellory s’attaque ici à une nouvelle mythologie américaine : les tueurs en série. »
« Sur dix-huit mille assassinats par an aux États-Unis, seulement deux cents sont le fait de tueurs en série. Aussi les forces de police ne privilégient-elles que rarement la piste du serial killer. Lorsque quatre homicides sont commis en quinze jours à New York, selon des modes opératoires complètement différents, personne ne songe à faire un lien entre eux. Personne, sauf John Costello. Documentaliste au City Herald, et véritable encyclopédie vivante des serial killers, celui-ci découvre en effet que les quatre meurtres ont été commis à la date anniversaire d’un meurtre ancien, œuvre à chaque fois d’un tueur en série célèbre, selon des procédures rigoureusement identiques jusque dans les moindres détails. Y aurait-il dans la ville un serial killer qui s’inspire de ses prédécesseurs et leur rend ainsi un funèbre hommage ? En compagnie de Karen Langley, une journaliste du City Herald, et de Ray Irving, détective du NYPD, John va se livrer à la traque de cet assassin très particulier, à l’intelligence aussi fulgurante que morbide et à la virtuosité impressionnante. »
Effectivement, Ellory bâtit son histoire avec tous les ingrédients de la traque d’un tueur en série : le flic fatigué de côtoyer ce qu’un humain peut infliger à un autre, les auxiliaires journalistes, le tueur implacable qui a toujours une longueur d’avance sur la police… Mais sur cette base, Ellory écrit bien autre chose qu’un simple thriller, il nous fait plonger au plus profond de l’âme humaine et nous mène au cœur de nos angoisses les plus profondes : la solitude, le deuil, la mort…
Car il sait y faire Ellory, et on tremble avec Ray le flic, Karen la journaliste et l’énigmatique John Costello, rescapé d’une attaque d’un tueur 20 ans auparavant… On avance avec Ray, on ne sait rien du tueur, on n’a aucun indice et on partage sa souffrance et sa frustration… on tâtonne avec lui dans le noir en sachant que ça ne s’arrêtera pas. Pire même, car on connaît les victimes avant les enquêteurs : Ellory nous les présente en quelques pages et grâce à son talent, son humanité on connaît leur vie avec ses grandeurs et ses faiblesses, on les comprend déjà et on sait que leur existence va finir sans qu’ils aient rien demandé, alors on rage… le suspense se fait oppressant…
C’est le grand Ellory qui mène la danse et il s’intéresse aux sentiments ressentis face à la barbarie. Les pensées du tueur, ses motivations ? Peu importe, on ne peut pas « rationnaliser l’irrationnel ». Le tueur, un dingue qui réédite les meurtres de ses prédécesseurs à leur date anniversaire, est le moteur de l’histoire mais il n’en est pas le héros.
Dans sa traque, Ray va être obligé de plonger dans la lie de l’humanité : les tueurs et tous ceux qui sont fascinés par le mal qu’on peut faire subir à quelqu’un. Il va rencontrer tant de noirceur, de malheur qu’il lui est difficile d’imaginer qu’il existe autre chose. Et on assiste à son désespoir, à sa lutte… Certains parviendront à ne pas être aspirés dans ce tourbillon de destruction, d’autres non, aucun ne sera indemne… une course contre la mort…
Avec tous les poncifs du genre, Ellory parvient à nous captiver. Ce commémorateur, qui synthétise tout ce que ses semblables ont réalisé, le Mal absolu, importe peu, il faut juste l’empêcher de nuire. Ce pourrait être un autre fléau de l’humanité. Ellory nous fait ressentir ce que ce combat entraîne d’angoisse et d’urgence comme personne.
L’enquête est bien la trame principale (et elle n’est pas négligée) mais se greffent dessus tant de tranches de vie, d’intrigues secondaires, de pistes qui n’aboutissent pas… autant de boucles dans le récit qui l’enrichissent et s’y raccrochent tellement parfaitement qu’elles lui donnent une profondeur, une beauté, une universalité rares dans les thrillers. Une fresque gigantesque et magnifique de l’humanité, car on comprend toutes les douleurs : celles des enquêteurs, des victimes, de leurs proches… Un travail d’orfèvre !
Un thriller noir, oppressant dont on tourne les dernières pages avec angoisse et qui nous touche profondément, car il fait écho à nos angoisses les plus profondes et il résonne en nous longtemps après avoir fermé le livre.
Raccoon
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