Odio

Traduction: Claude Bleton.

Pour célébrer les quarante ans de sa maison d’édition, Anne-marie Métailié avait demandé à José Manuel Fajardo, auteur notamment de “Lettre du bout du monde”, de la gratifier d ‘un nouvel écrit. Il s’est plié à la demande un peu tardivement mais c’est un moindre mal car nous pouvons aujourd’hui profiter de “Haine”, qui, en une centaine de pages choc et très troublantes permet de découvrir un auteur espagnol d’envergure.

“La haine que nous voyons se déchaîner sur les réseaux sociaux n’a rien de neuf, elle utilise juste de nouveaux canaux techniques.”

C’est à une invitation aux tréfonds du mal que nous convie Fajardo dans une histoire en deux lieux et deux temps. La première raconte l’histoire de Jack Wildwood, un fabricant de cannes de luxe à Soho, un quartier mal famé de Londres à la fin du XIXème siècle. La seconde suit Harcha, jeune de la banlieue parisienne, qui ne trouve pas sa place dans la société, quelques semaines avant l’horreur du Bataclan.

Ces deux histoires très dérangeantes sont reliées à travers les années par un objet symbolique montrant en conclusion que quelles que soient les motivations de la haine, personnelle ou idéologique, auto entretenue ou embrigadée, elle naît de la frustration, du sentiment d’exclusion et que ses conséquences sont les mêmes de tous temps.

Montrant les mêmes affres, la même escalade, les deux histoires varient néanmoins beaucoup dans les styles de narration. L’histoire à l’époque victorienne est écrite d’une plume hyper élégante, addictive pour les amoureux des belles lettres et parsemée de subtiles références littéraires datées qui éclairent une histoire pourtant noyée dans la suie, le brouillard londonien et le sang des victimes. L’histoire de Harcha ne bénéficie pas du même romantisme gothique, la grisaille de la banlieue parisienne n’incitant généralement pas à la poésie de nos jours. Néanmoins, une fois de plus, Fajardo, cogne fort, bien plus fort.

“Sa haine était devenue aussi naturelle que sa respiration, un sentiment dépourvu de toute connotation morale, une seconde peau dont il n’avait même pas conscience.”​

A la fin de la lecture, une fois remis des bombes lancées finement par l’auteur, on ne peut que regretter la brièveté du roman tout en louant l’intelligence et la puissance du propos.

Un “Must have”.

Clete.