Argyll, maison d’édition rennaise, positionnée principalement sur les littératures de l’imaginaire, propose également du polar/roman noir. Christophe Nicolas, né en 1974 et originaire du Gard, est auteur de cinq romans où se mêlent habilement les genres, où [il] met en scène des personnages troublants de réalisme avec une grande maîtrise du rythme et du suspense. Son précédent roman Trackés (2021) a été également publié chez Argyll.
« Au secours ! Mon mari va me tuer ! Venez, vite ! »
Lorsque les gendarmes débarquent sur place, Emma Coulon gît inconsciente près de son mari, le visage tuméfié.
L’affaire paraît simple – un adultère suivi de violences conjugales – et pourrait être bouclée dans l’heure, si le présumé coupable, Michaël Coulon, n’était pas le principal employeur de la région. Très vite, le maire et le procureur font pression sur l’adjudant Gerardin, fraîchement nommé à la brigade de Génolhac, petit village des Cévennes serré au milieu des collines. Peu importe si l’épouse est dans le coma, peu importe si l’amant demeure introuvable, Coulon doit être libéré sur-le-champ.
Mais Gerardin ne se laissera pas intimider, son passé l’en empêche. Il est décidé à coincer le coupable quoi qu’il lui en coûte.
On ne peut collaborer à un blog consacré aux « littératures noire et engagées » et ignorer un polar social duquel émane un sentiment de révolte. La référence n’aura échappé à personne : les mots Et les gens qui ne sont rien s’inspirent directement de ceux du grand apaiseur en chef qui figurent désormais en belle place dans la collection des petites phrases politiques méprisantes de ces dernières années. Le sujet du roman de Christophe Nicolas est la justice à deux vitesses, inégale selon que vous serez riche ou pauvre, entrepreneur en vue ou bien déclassé, marginal.
Manifestement Christophe Nicolas sait parler de ce territoire des Cévennes gardoises, de ses habitants, de leur vie, de leurs habitudes. Ce qui commence comme une enquête sur un violent différend conjugal nous entraîne pas à pas vers une disparition mystérieuse vingt années auparavant. L’écriture est sans couenne superflue et la construction qui développe ses rhizomes dans l’histoire sociale du pays camisard est impeccable donc implacable. On se laisse prendre par le suspense.
Gerardin, le gendarme étranger au pays, a bien sûr son petit bagage personnel à lui. Fort heureusement, cet aspect psychologique ne va pas devenir un des moteurs dramatiques. D’ailleurs, l’auteur privilégie les sinuosités de son récit et la révélation de ses personnages en nuances de gris pour nous entraîner plus avant, sans négliger de nous donner envie de serrer les poings :
Il n’y a aucun dieu, les méchants ne seront jamais punis. Les lois les protègent : ils les écrivent eux-mêmes.
Un polar bien fichu en très juste résonance avec notre époque et ce qu’elle nous inspire.
Paotrsaout
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