Traduction: J.-B. Dupin

Le mystère n’est jamais si opaque que lorsqu’il est à portée de main, derrière une porte, dans la chambre voisine ou « dans la pièce du fond ». William Chambers Morrow, journaliste à San Francisco à la fin du XIXe siècle, prend plaisir à jouer de ce paradoxe. Son goût pour l’étrange et la manière dont il le marie à la modernité, sous l’influence d’Edgar Poe et d’Ambrose Bierce, l’amène à inventer ce que l’on pourrait appeler le « fantastique policier ». L’un des premiers, il a l’intuition de quelques-uns des grands thèmes qui baliseront la littérature de genre du XXe siècle : l’angoisse urbaine, la folie meurtrière, l’inquiétant comportement d’un proche.

W.C. Morrow pourrait être le grand-père de Stephen King. Les neuf nouvelles rassemblées ici le prouvent.

Toujours désireux de découvrir des écrivains qui pratiquent l’art de la nouvelle – exercice bien trop mésestimé –, et plus encore des auteurs oubliés ou inconnus, cette réédition chez Finitude de ce recueil depuis longtemps épuisé, signé d’un certain W. C. Morrow, avait d’emblée une aura en mesure d’attiser ma curiosité.

Avec les références citées précédemment, j’ai nommé Edgar Poe et Stephen King, la barre est placée relativement haut. A tort ou à raison ? N’est-ce pas prendre le risque d’éveiller chez le lecteur des attentes trop importantes ? Dans le cas de Dans la pièce du fond, ces références s’avèrent au final justifiées mais un poil écrasantes, me laissant sur ma faim. Une déception ? Non, ce serait nier les qualités certaines de ces textes que d’évoquer là une déception. Je parlerais plutôt de frustration. Petite la frustration ! Point de claque de l’envergure d’un Poe. Voilà tout. A défaut d’être inoubliable, ce livre a d’autres atouts.

On retrouve dans ce recueil de neuf nouvelles plusieurs genrse littéraires qui s’entremêlent assez sobrement. Fantastique, horreur ou policier, c’est un mélange de tout ça. Les allergiques au fantastique ou à l’horreur n’ont pas à craindre de rester insensibles à ces textes. Rien n’est forcé en ce sens. Ce sont des petites touches, des éléments, qui parcourent les nouvelles, donnant une atmosphère un peu étrange mais assez convaincante à l’ensemble. Ajoutez à cela un charme d’antan légèrement désuet aux intrigues, mais pas si daté pour autant, et vous voilà transporté dans un curieux univers qui vous porte sans difficulté. Les textes sont de qualité inégale, il y en a des plus marquants que d’autres, mais le tout s’apprécie comme une véritable petite curiosité. 

W. C. Morrow n’a pas la force littéraire d’un Poe, ce qui explique peut-être qu’il soit injustement passé aux oubliettes, mais il mérite néanmoins d’exister parmi toutes les références que l’on pourrait lui coller car il y a définitivement des amateurs à contenter. Ça se lit à la lumière du chandelier, sauf peut-être pour les presbytes qui n’y verraient que du flou, un verre d’absinthe à la main, dans un bon fauteuil au bois grinçant. Frissons garantis si vous oubliez le chauffage !

Brother Jo