Chroniques noires et partisanes

Étiquette : brian panowitch

COMME LES LIONS de Brian Panowitch / Actes Noirs Actes Sud.

Traduction: Laure Manceau.

Retour à Bull Mountain

…et c’est pas trop tôt ! Souvenez-vous du choc que le premier roman de Brian Panowich avait produit parmi les aficionados du roman noir : cette histoire à la Caïn et Abel au fin fond de la Géorgie, mettant en scène Clayton Burroughs, shérif d’une petite bourgade et sa famille, le clan Burroughs, bandits de père en fils depuis des décennies. La confrontation entre les deux entités de la même famille a été rude et la fin de Bull Mountain appelait une suite sans tarder.

Deux ans plus tard, la voici !

« Clayton allait prendre place face à Bracken et ses hommes, mais Mike le poussa discrètement du coude vers la chaise la plus imposante en bout de table. Il s’y installa, et le soulagement de ne plus avoir à se tenir sur sa jambe gauche se lut sur son visage. Ce qui échappa à tout le monde par contre, sauf à Mike, c’est l’étrange mélange d’émotions qui lui retournaient le bide. Il était assis sur la chaise qui avait appartenu à son frère Halford, et à son père avant lui. La même chaise depuis laquelle son grand-père Cooper avait dirigé l’empire Burroughs avant eux tous. »

Clayton est bien abimé lorsque nous le retrouvons dans ce deuxième opus : physiquement (sa jambe gauche le fera souffrir jusqu’à la fin de ses jours) et surtout psychologiquement. Il a un peu trop tendance à lever le coude et à force de ruminer il n’est plus qu’un fantôme pour Kate, sa femme, et leur bébé.

Si le début du roman m’a un peu inquiétée, je trouvais le rythme un peu trop lent et l’action longue à démarrer, ça s’arrange assez vite : qu’est-ce qui peut pousser à agir quelqu’un d’aussi indécis et affaibli comme Clayton ? Une intrusion depuis l’extérieur, un clan ennemi qui mettrait en péril non seulement les restes de l’empire Burroughs mais surtout sa famille, des innocents, sa descendance.

Rassurée : ça dégaine toujours aussi vite sur Bull Mountain et, même d’outre-tombe, les Burroughs disparus ont encore leur mot à dire. C’est sec, sans pitié et, ma foi, assez sanglant !

Seul regret : j’aurais vraiment aimé que Kate occupe une place plus importante : on sentait depuis Bull Mountain qu’elle en avait sous le pied et ça se confirme dans Comme les lions. Que dis-je ! elle mériterait un roman rien que pour elle !

Tout ce beau monde existe en France grâce à la traduction de Laure Manceau !

Monica.

BULL MOUNTAIN de Brian Panowich/Actes Sud

Alors, il y a  des périodes où le chroniqueur qui enchaîne les romans commence à sentir des signes de lassitude à lire un peu toujours les mêmes romans, à la mode, dans l’air du temps, tout en se disant que pour un roman « rural » qui tient la route, qu’il soit français ou américain, nombreux racontent les même histoires de péquenauds avec des flingues, de ladrogue, de la violence et semblent empruntés, factices, même s’ils sont habilement écrits pour ressembler aux séries ricaines qui fonctionnent. Bon, cela a aussi l’avantage qu’on apprécie encore plus les romans qui se démarquent, qui restent dans le tissu urbain comme  « la ville des brumes » de Sara Gran, « the whites » de Richard Price, « j’ai été Johnny Thunders » de Carlos Zanon » voire « magic time » de Doug Marlette pour ce qui est des sorties de l’année.

Et puis, il y a l’exception, le roman qui par une alchimie réussie entre péripéties crues et style, entre action et réflexion fait mouche et dans cette catégorie de romans qui vous pètent à la figure, il y a ce magnifique BULL MOUNTAIN, œuvre de Brian Panowitch, pompier de Georgie et auteur d’un premier roman qui, sans être forcément le chef d’œuvre qui fera date, est vraiment un roman immanquable pour tous les vieux cowboys qui adorent les histoires dures, cruelles du Deep South ou des contrées reculées du Midwest ou des Appalaches.

« Chez les Burroughs, on est hors-la-loi de père en fils. Depuis des générations, le clan est perché sur les hauteurs de Bull Mountain, en Géorgie du Nord, d’où il écoule alcool de contrebande, cannabis et méthamphétamine jusque dans six États, sans jamais avoir été inquiété par les autorités. Clayton, le dernier de la lignée, a tourné le dos à sa fratrie, et comme pour mettre le maximum de distance entre lui et les siens, il est devenu shérif du comté. À défaut de faire régner la loi, il maintient un semblant de paix. Jusqu’au jour où débarque Holly, un agent fédéral décidé à démanteler le trafic des montagnards. Clayton se résout alors à remonter là-haut pour proposer un marché à son frère. Il sait qu’il a une chance sur deux de ne pas en redescendre. Ce qu’il ignore, c’est que Holly en a fait une affaire personnelle, et que l’heure des pourparlers est déjà passée. »

« Bull Moutain », c’est avant tout le mythe de Cain et Abel revisité à la sauce Georgie, un état du sud bien délabré si on excepte Atlanta, Coca cola city. Entre tensions actuelles et histoire violente du clan sur trois générations, Panowitch réussit un sans-faute passionnant, un roman franchement addictif de la première à la dernière ligne. La violence peut être parfois assez insoutenable puisque cette famille de tarés les Burroughs, qui pratique le meurtre comme certains la pêche, ne se contente pas de tirer sur ceux qui les gênent mais pratique le massacre d’autrui, le passage à tabac, la mutilation, toute la panoplie du mal… et de la connerie congénitale et ordinaire.

Dès le premier chapitre, vous êtes choqués par ce déballement  de barbarie et cette absence d’humanité et cet état de choc va être vôtre tout au long du roman, présent ou dangereusement latent. Mais, « Bull Mountain » n’est pas uniquement une nouvelle  démonstration de la connerie humaine dans ces régions. L’histoire propose une intrigue fine avec l’apparition d’un flic du FBI qui veut régler ses comptes avec la famille.

Souvent dans ces romans, les femmes ne jouent que les utilités mais ici, comme chez Larry Brown, des destins tragiques sont racontés, des histoires effroyables qui vous remuent tant Panowitch écrit de façon juste, humaine, brillante dans un style riche mais simple un peu comme Steinbeck.

Les médias américains parlent, une fois de plus de Faulkner, mouais, si on veut. Pour ma part un roman puissant, sauvage et humain, une intrusion très réussie de la tragédie grecque dans le polar, une plume très habile, une œuvre que l’on peut placer à côté de l’époustouflante « trilogie du bayou » de Daniel Woodrell , c’est dire la perfection du roman et du talent en train d’éclore rythmé par les guitares de Lynyrd Skynyrd..

Immanquable.

Wollanup.

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