Le fait des hasards de l’inspiration ou bien le pouvoir de persuasion d’une personne de chez Rivages, peu importe, toujours est-il qu’après le bon retour de Hugues Pagan il y a quelques mois, voici Claude Amoz qui y va aussi d’un nouveau roman dans une collection chez Rivages qui porterait très mal son nom de « thrillers » avec « la découronnée », histoire particulièrement attachante malgré l’extrême banalité et  le caractère très ordinaire des histoires racontées et qui devrait faire fuir les amateurs de polars survitaminés.

« Viâtre, une ville au bord du Rhône. Ce sont les vacances d’été, la chaleur est étouffante. Johan et Guy Mesel sont frères mais tout les oppose: Johan est un universitaire brillant et un passionné d’escalade alors que Guy, complexé par sa petite taille et dévoré par l’eczéma, est agent technique dans un lycée professionnel en montagne. Ils décident d’échanger leurs appartements pour la durée des vacances et c’est ainsi que Guy s’installe dans le logement que Johan vient d’acheter à Viâtre, dans la montée de la Découronnée. Il est saisi par l’atmosphère qui y règne et s’aperçoit que les lieux portent encore la trace des précédents occupants, en particulier un coffre à jouets dans une alcôve. Dans la même ville, Habiba est employée aux cuisines d’un foyer pour SDF sur lequel règne un prêtre tyrannique. La fille d’Habiba, Zahra, partage la vie du père de Camille, une adolescente qui a perdu sa mère dix ans plus tôt. La famille habitait dans la montée de la Découronnée et Camille garde en mémoire des souvenirs flous de scènes violentes entre ses parents. Un mystère plane sur les circonstances de la mort de sa mère dont elle a conservé des photos. Il y a aussi la vieille Maïa, qui a élevé les frères Mesel, et un détective privé pas forcément très doué pour les enquêtes. »

Une ville fictive, au bord d’ un fleuve le Rhône qui n’a pas d’autre rôle que celui de figurant, un quartier « la découronnée », théâtre de trois drames ancrés dans un passé plus ou moins lointain, tel est le décor d’un roman qui va explorer plusieurs voix et voies du passé pour trouver des réponses aux interrogations de différents personnages liés par une dramaturgie tournant autour de ce quartier, ses maisons, ses habitants, ses lieux de vie ou de mémoire. Mais « la découronnée », Claude Amoz nous le dit page 217, c’est aussi et avant tout : « la couronne d’une mère, ce sont ses enfants. » et le roman tourne autour de femmes ayant perdu de force ou par des errements ou par la conséquence des problèmes psychologiques leur « couronne » , leur aura de mère et par conséquent aussi d’enfants victimes de ce manque de protection et d’amour maternels.

Pas d’explosions, pas un meurtre, pas un coup de feu, pas un flic, mais néanmoins une grande violence contée par une Claude Amoz dont le grand talent est de rendre passionnante une histoire pourtant bien peu spectaculaire. En s’attachant par petites pointes très affutées à la psychologie de ses personnages, Claude Amoz réussit à nous rendre familiers, amicaux, complices de ces hommes et femmes en quête d’identité. Ainsi, la tristesse de Guy, la douleur de Maïa, le désarroi de Camille, peu à peu nous apparaissent inducteurs d’empathie et ce parcours a priori bien ordinaire prend des dimensions bien plus altières mais aussi bien plus émotionnellement éprouvantes dans un roman qui séduira les lecteurs prenant le temps de la découverte des non-dits et des non – écrits parsemant un roman évoquant plusieurs fois et de belle manière l’univers d’ Andersen et plus particulièrement le conte « la reine des neiges ».

Très attachant.

Wollanup.