
J-C. Chapuzet et C. Gérard, compères associés ont déjà produit deux albums, Le matin de Sarajevo et L’affaire Zola, tous deux des reconstitutions historiques. C’est en effet aujourd’hui un axe fort de développement (et parfois de créativité) de la BD : le documentaire.

La photographie du Duce et de sa maîtresse Clara Petacci pendus par les pieds sur la place Loreto de Milan a fait le tour du monde. Et la résonance de ce cliché a souvent occulté dans la mémoire collective la dernière cavale de Mussolini sur les bords du lac de Côme… Mussolini n’est pas mort à Milan. Fuyant la résistance italienne comme les forces alliées, Mussolini et Clara Petacci tentent de rejoindre la Suisse en compagnie de quelques fidèles du régime. Cette fuite désespérée, proche du grotesque, prendra fin une soirée d’avril 1945, sous une pluie fine, en Lombardie : Mussolini démasqué est finalement arrêté, déguisé, planqué et fusillé le lendemain matin sur les berges de ce lac d’une beauté rare. Cette dernière sortie pathético-romanesque, d’une violence inouïe, est à l’image de la trajectoire de celui qui inventa le fascisme. En quelques jours tout remonte à la surface.
Au bord du lac de Côme, dans la nuit du 27 au 28 avril 1945, Benito Mussolini partage un ultime moment de répit avec Clara Petacci, sa maîtresse. L’ancien Duce, acculé, voit sa fin approcher. Le poids des décennies et des trahisons le ronge. Adolf Hitler, qu’il croyait son allié, l’a relégué à la tête de la (minuscule) République de Salò, une marionnette au service du Reich. Tandis que les Italiens se déchirent, que les Alliés progressent depuis le Sud tandis que la Wehrmacht et les SS, descendus des Alpes, les affrontent, Mussolini cherche désespérément à sauver ce qu’il reste de l’Italie fasciste. Un dernier espoir du côté d’Hitler ? En attendant, le Duce confie son désarroi et son désenchantement à son entourage. Il décide de se replier sur Milan. Mais sur la route, des partisans vont démasquer sa piteuse tentative de dissimulation…
Il est loin, en 1945, le macho italien, flamboyant, fort en gueule et en mimiques (à la limite du grotesque), habile en louvoiements politiques, queutard aussi, qui a transformé l’Italie en régime autoritaire, d’un genre nouveau. Par flashbacks, l’album revient sur ces épisodes de l’ascension et du règne du Duce. Mais c’est la trouille au cul que Musso sillonne les routes dangereuses. Comme s’il avait subi lui-même le ricin employé pour « punir » les opposants, le pays évacue le contenu de ses tripailles : c’est sale, sanglant. Pour Mussolini, ce sera la fuite à Varenne puis un sommaire jugement comme les époux Ceaucescu… Triste, pathétique farce.
Côté dessin, Christophe Girard propose un style proche du réalisme, assez classique, mais qu’il sublime par un bel usage d’une dominante bleu-gris ou vert-gris où fleurit parfois une couleur plus vive ainsi que par l’utilisation de détails ou d’instants détourés, s’extirpant du fond blanc. A noter également une parenthèse graphique, avec des cases crayonnées, pour évoquer le triste sort de Pier Paolo Pasolini tué par un groupuscule fasciste en 1975. Le rideau n’est pas définitivement retombé sur les plus sombres heures de notre histoire…

Une reconstitution historique solidement documentée et qui se lit comme un polar, portée par une belle impression glauque (au sens littéral et au sens figuré).
Little Bic Man
Commentaires récents