Olivier Norek c’est un ADN de vie professionnelle et de vie d’homme et ses écrits à l’image de CODE 93 et TERRITOIRES, lus précédemment, sont accolés à celui-ci. Il m’a prouvé qu’il possédait la faculté de poser des mots sur le papier, pas dans un cadre froid d’une instruction judiciaire mais bien pour exprimer des problématiques sociétales de son sérail avec l’envergure littéraire. Les deux premiers ouvrages avaient cette acuité, cette précision d’une vie passé et décrivaient donc sans détour le quotidien délictuel de nos banlieues sous-tendu par des enjeux ou, a contrario, un abandon politique au gré des urnes.

Dans cet opus, il délaisse Coste et son équipe, en s’attaquant à une thématique médiatisée, instrumentalisée, politisée sur les migrants et plus particulièrement sur le nœud gordien calaisien.

« Fuyant un régime sanguinaire et un pays en guerre, Adam a envoyé sa femme Nora et sa fille Maya à six mille kilomètres de là, dans un endroit où elles devraient l’attendre en sécurité. Il les rejoindra bientôt, et ils organiseront leur avenir. 
Mais arrivé là-bas, il ne les trouve pas. Ce qu’il découvre, en revanche, c’est un monde entre deux mondes pour damnés de la Terre entre deux vies. Dans cet univers sans loi, aucune police n’ose mettre les pieds. 
Un assassin va profiter de cette situation. 
Dès le premier crime, Adam décide d’intervenir. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est flic, et que face à l’espoir qui s’amenuise de revoir un jour Nora et Maya, cette enquête est le seul moyen pour lui de ne pas devenir fou. 

Bastien est un policier français. Il connaît cette zone de non-droit et les terreurs qu’elle engendre. Mais lorsque Adam, ce flic étranger, lui demande son aide, le temps est venu pour lui d’ouvrir les yeux sur la réalité et de faire un choix, quitte à se mettre en danger. »

« Adam s’agenouilla et aida l’enfant à se redresser péniblement tout en lui remontant son jogging. Ce dernier aperçut son agresseur au sol, inconscient. Ses yeux noirs embués de larmes détaillèrent Adam et quelque chose se passa à cet instant précis. Comme un pacte. Une allégeance. »

En choisissant comme point de départ le conflit syrien il insère une dimension initiale géopolitique mais qui s’inscrit parfaitement dans les profils variés, individuels des hommes et des femmes cherchant à protéger leur famille tel un réflexe reptilien universel dans les contextes que l’on connaît.

Rapidement Olivier Norek s’accapare nos émotions dans une peinture réaliste et crue de parcours de vies balafrés, déchirés, scarifiés dont les chéloïdes seront indélébiles. Son acuité associée à une empathie non feinte pour ses personnages m’ont frappé telle une furie déterminée et ne m’a à aucun instant lâché ou permis de reprendre une inspiration. L’inspiration c’est la vie, l’expiration c’est la quitter…

L’auteur a ainsi tenté et réussi la collusion entre force régalienne de l’ordre et population migrante. Et d’ailleurs est-ce réellement romancé ou est-ce qu’il décrit une vérité, un quotidien calaisien extrapolé du binaire présenté par les vecteurs traditionnels ? C’est aussi la force de cet ouvrage et de son littérateur d’aplanir notre vision, d’éroder les angles en focalisant sa rhétorique sur l’humain qui prouve, sans l’ombre d’un doute, son humanité.

Il a, dans ce choix de traitement et cette volonté de traiter ce sujet, démontré sa philanthropie tout en cassant des idées préconçues, surfaites, réductrices. Par cet acte, son style s’est affirmé, sa maturité de littérateur ayant franchi, à mes yeux, un cap « décisif ». Le regard « embué » par cette lecture, où l’on pourrait s’inquiéter d’une éventuelle incohérence absente, on progresse avec une avidité compulsive.

Olivier Norek, sans se départir de son allèle dominant, affiche avec force et détermination l’homme au plan principal en se servant d’une plume tout à la fois acérée, fluide et touchante.

Peu à peu tout me happe

Je me dérobe, je me détache

Sans laisser d’auréole

Les cymbales, les symboles

Collent

On se rappelle

On se racole

Peu à peu tout me happe

 

Comme l’écrivait Dashiell Hammet : « Bien sûr que tu peux me demander de quoi parle mon prochain roman. Il parle des gens. Les gens m’intéressent et j’ai toujours pensé que quelqu’un devait écrire sur eux… »

L’entre deux mondes reste ténu, Merci !

Chouchou