Traduction : Judith Vernant
Baisser-de-rideau pour la trilogie du Baztan et le moins que l’on puisse affirmer c’est que la cohérence, la tension, la justesse est de mise pour cet édifice littéraire.
« La mort subite d’une petite fille devient suspecte lorsque le médecin légiste découvre qu’une pression a été appliquée sur le visage du bébé.
Très vite, les soupçons se portent sur le père au comportement étrange, qui tente même de dérober le cadavre du nourrisson afin de « terminer ce qui a été commencé ».
La grand-mère, elle, est persuadée que ce meurtre est l’acte d’Inguma, créature maléfique issue de la mythologie basque.
Aux yeux de l’inspectrice Amaia Salazar, cette histoire est une énième légende.
Mais lorsqu’elle décide de s’intéresser de plus près aux morts subites de nourrisson déclarées dans la vallée de Baztán ces dernières années, Amaia observe pourtant des similitudes troublantes et l’enquête prend une tournure inattendue.
Fuyant son rôle d’épouse et de mère, Amaia se consacre entièrement à cette nouvelle affaire qui la mène à l’origine même des événements qui ont frappé la vallée et la confronte bientôt à son passé et à ses propres démons.”
De nouveau, et naturellement, on est emporté dans le pays basque espagnol. On y retrouve, bien sûr, Amaia Salazar, l’inspectrice aux homicides, et l’ensemble des protagonistes croisés dans les précédents volets. Le récit, en parfait accord avec l’atmosphère perçue précédemment, emprunte aux croyances, à la mythologie autochtones les contours de souffrances, de résurgences irrémédiables en lien avec les infanticides commis.
L’auteur perçoit ses personnages comme un prolongement concret aux us et coutumes d’une histoire séculaire. Chacun développe une spécificité propre face aux tourments, aux blessures, aux cicatrices de vies tatouées par la malédiction et/ou les affres psycho-criminelles. Amaia est le reflet de son histoire et conjugue, additionne ceux de ses proches… Elle fait montre de sa ténacité exemplaire, représente inlassablement la figure tutélaire d’une famille tiraillée par les dérives pathologiques de « l’ama » (la mère). Couplé au totem de la « tia », (la tante) l’équilibre émotionnel et relationnel s’accomplit, aussi bien sur le versant privé que professionnel.
Les rebondissements de l’enquête se fondent, tout de même, dans une logique « irrationnelle » d’entités, de groupes « dépositaires » des préceptes, des fondements de l’autorité mythologico-religieuse. S’enchevêtrent alors des questionnements personnels, professionnels, voire philosophiques, qui débouchent néanmoins sur des valeurs intrinsèques non galvaudées, ni méprisées. La survivance de rites ancestraux et les couvercles formés par le pouvoir ecclésiastique aboutissent aux atrocités décrites dans cette trilogie.
Dolores Redondo a dans son regard l’étincelle d’une écrivaine sincère, honnête avec ses personnages et son lectorat. Son pouvoir de captation indubitable cerne des personnages ancrés dans leurs terres, leurs contrées et qui ont une ligne directrice indéfectible tout en conservant leur part humaine avec les faiblesses, les anfractuosités, les ridules et plaies de vécu noir.
Tourbillon de désolations et de tourments affectifs font de cette clôture le saphir d’étoile comme l’apothéose, le bouquet final d’un ouvrage pyrotechnique bicolore noir et blanc.
Talent littéraire brut et émotionnel !
Chouchou.
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