Illuminatine : une drogue puissante qui a la particularité de faire saillir dans l’esprit du consommateur la vérité cachée, jusqu’à renverser tous les narratifs sur lesquels repose la société. Une véritable arme de guerre pour un groupe de survivalistes reclus dans un bunker au fin fond d’une forêt.
En s’aventurant sur cette terra incognita, le narrateur de ce roman, qui s’est juré d’achever un livre sur lequel il travaille depuis des années, est certain de trouver parmi ces gourous de la paranoïa de quoi alimenter son projet.
Mais dans un monde où la maladie du soupçon a remplacé l’esprit de révolte, comment ne pas passer de l’autre côté de la barrière ?
Journaliste et animateur de débats et rencontres littéraires, Simon Bentolila s’attaque à un sujet relativement sensible, le complotisme, avec Illuminatine, son premier roman publié chez Albin Michel.
Nombreux sont ceux, plus même qu’on ne l’imagine, à être concernés par le complotisme, soit en souscrivant eux-mêmes à des théories complotistes, soit en ayant été confrontés aux dites théories par des tiers. Un sérieux fléau et donc un important sujet de société. Qui se risque à en parler de façon critique n’est pas à l’abri de déclencher l’ire des premiers concernés. Mais cela, Simon Bentolila, ne semble guère s’en inquiéter, puisqu’il dresse ici un portrait peu flatteur de toute cette sphère.
Notre narrateur, un trentenaire un peu paumé et lui-même un poil paranoïaque, se donne pour projet d’écrire un livre sur le complotisme. Déjà entouré par quelques énergumènes hauts en couleurs, il décide d’infiltrer le milieu comme il peut. Son immersion, qui n’arrange rien à sa propre paranoïa, ne s’annonce pas sans conséquences. Au fil des pages, il rencontre des profils de tous types, certain(e)s plus atteints que d’autres qui plongent le narrateur, mais aussi le lecteur, dans une confusion certaine. Ils nous rendent dingos et c’est peu de le dire. Des délires et des dérives accentués par une drogue faisant de nombreux émules, l’Illuminatine, dont une molécule spécifique est supposée rendre ses consommateurs plus clairvoyants. Plus nous avançons dans l’histoire, plus le livre du narrateur se mêle à celui écrit par Simon Bentolila. Si certains risquent de s’y perdre un peu, cela permet d’ajouter à l’effet troublant de cette espèce de folie ambiante contagieuse.
Pour ceux familiers du complotisme en France, vous reconnaitrez des grandes figures du mouvement à peine déguisées, parmi lesquelles on peut citer Alain Soral ou Dieudonné. Les références ne manquent pas ! Il est d’ailleurs assez drôle de les deviner. Drôle, Simon Bentolila essaye de l’être. Il joue la carte de l’absurde, grossit les traits, caricature à foison. C’est parfois assez grotesque mais, à l’évidence, mieux vaut essayer d’en rire car le sujet est tout de même bien effrayant. On peut éventuellement reprocher à l’auteur de s’éparpiller un peu mais son écriture, franchement soignée, font de cette lecture un moment tout à fait appréciable.
Illuminatine ne satisfera peut-être pas tout le monde mais c’est une bonne idée de cadeau pour s’assurer des débats d’idées houleux, le soir de Noël, en famille. Un roman qui ne rendra pas les complotistes moins complotistes, ni les cons moins cons, mais permet de se payer un peu leur tête sous couvert d’un livre pittoresque.
Brother Jo.
Commentaires récents