Study for Obedience
Traduction: Catherine Leroux

Au tournant des saisons, dans une grande et sombre demeure au milieu de la forêt, une narratrice (peu fiable) nous raconte. Elle s’est installée ici, chez son frère récemment quitté par sa femme et ses enfants, afin de s’occuper de lui. Elle se consacre aux tâches ménagères, à la découpe du bois, lui lit le journal, le lave même, l’habille. Elle ne parle pas la langue de ce pays reculé du nord, où vivaient cependant leurs ancêtres persécutés. Peu à peu, d’étranges évènements se produisent autour d’elle : une hystérie bovine conduit à l’extermination du cheptel local, une brebis sur le point de mettre bas est prise dans une clôture, une chienne tombe mystérieusement enceinte, une épidémie de pomme de terre se propage… Les villageois paraissent accuser la narratrice, incapable de se défendre. Quand son frère revient de voyage, lui-même semble atteint par un mal étrange…
Écrivaine d’origine québécoise mais vivant désormais en Ecosse où elle enseigne la littérature et la création littéraire, Sarah Bernstein est l’autrice de deux romans et d’un recueil de poème. Son premier à arriver chez nous, grâce aux Editions du Sous-Sol, est son deuxième, Obéissantes et Assassines qui fut finaliste du prix Booker et lauréat du prix Giller. Une nouvelle et curieuse voix.
C’est petit à petit que notre étrange narratrice plante le décor d’une étrange histoire. Elle nous raconte le quotidien de sa nouvelle vie, là-bas, dans le nord, chez son frère. Un quotidien qui n’a rien de très excitant mais qui, progressivement, se voit ponctué de moments bizarres et qui, rapportés par la narratrice, n’en deviennent que plus déconcertants. C’est aussi la relation entre elle et son frère que l’on découvre et que l’on voit se développer de façon très troublante.
Le texte est ramassé mais excellemment traduit par Catherine Leroux. Très descriptif et jamais très loin de l’exercice de style. Par sa plume, Sarah Bernstein installe une atmosphère, qui nous gagne autant qu’elle nous perd, ainsi qu’une inquiétude persistante. On en vient à se méfier. Mais de qui ? Ou de quoi ? Il y a une maîtrise formelle évidente. Mais rien, absolument rien, n’est clair. Le monologue de la narratrice est entêtant et perturbant, au point d’en devenir, presque, hypnotisant. On s’égare dans le fil de ses pensées. On se sent happé dans une spirale assez infernale. Mais où va l’histoire ? Où va ce texte ? Le doute est constant. Les questions soulevées sont nombreuses. Les réponses ne sont jamais vraiment apportées.
Il est difficile d’avoir un avis clair et précis sur Obéissantes et Assassines de Sarah Bernstein. On a là un roman sans genre affirmé et avec une intrigue pas très évidente à saisir. On est dans l’attente d’un climax ou d’une conclusion explicite qui n’arrive pas. Un livre qui peut séduire par son écriture et tout ce qu’il a de mystérieux, mais qui peut tout aussi bien dérouter le lecteur et le laisser confus face à ses nombreuses interrogations. Préparez-vous à une découverte surprenante ou à un sévère mal de crane, au choix !
Brother Jo.
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