Elvis et Hendrix sont dans un bateau… Lequel tombera à l’eau le premier ? Leur océan manque d’horizon, les tours d’une banlieue provinciale de l’Ouest en bouchent salement les perspectives d’avenir.
Pour l’état civil, Hendrix c’est Tony l’Arbitre, fan de Jimi Hendrix donc et médiateur de la Cité des Cerisiers, d’où son pseudonyme. Elvis, c’est Issa, gamin poussé comme une herbe folle sous les ombres conjuguées d’un quartier en friche et du rock’n’roll des grands frères. Pour le reste du décor, c’est le gris, le deal, le chômage, la débrouille et les disparitions, ce qui est plus néfaste au calme précaire de l’endroit. Forcément, les flics et les journalistes y mettent le nez.
Avec la simplicité coutumière et la verve limpide qu’on lui connait, Stéphane Pajot, lui-même journaliste à Presse Océan, auteur d’une jolie guirlande de polars et d’ouvrages dédiés à sa chère ville de Nantes, fait d’une toile de fond familière un autre théâtre à vau-l’eau où les dérapages des uns entraînent la noyade des autres.
Les décennies défilent, le Club des 27 (option guitaristes gauchers pour le coup) accueille Kurt Cobain, le quotidien s’enlise. Issa grandit, Tony trébuche sur des accusations solidement enracinées et dégringole jusqu’au fond du trou. De drame en drame, Issa se retrouve adulte, à Essaouira et presque serein, sur la terre de ses ancêtres et sur les traces d’Hendrix, le vrai. Mais le retour à la case départ, pour une vengeance à mordre froide, l’appelle comme autant d’inéluctables sirènes.
D’autres revanches s’agrègent à la sienne et convergent bientôt vers un estuaire commun, celui de la Loire et de vies en longs fleuves d’intranquillité chronique. Issa, Tony, Bilal, Mathieu, Léa : tout le monde morfle, comme autant de figurants face aux rôles prépondérants des dérives ordinaires « et finalement les châteaux de sable s’effondrent dans la mer » (Castles Made Of Sand, Jimi Hendrix)
JLM
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