Chroniques noires et partisanes

Étiquette : mercure noir

PRENEURS D’ OTAGES DE Stefanie Pintoff / Mercure noir.

Traduction : Maxime Shelledy (Américain)

La vitrification du temps, dans ces dix-sept heures de cette journée d’hiver à New York, renvoie à une course contre la montre et une lutte d’esprits en déperdition cherchant la correction de choix individualistes dans une société moribonde ayant perdu le sens du collectif.

« Un matin, au cœur de Manhattan, sous la pluie, une jeune femme postée sur le parvis de l’église Saint-Patrick rompt la frénésie de Noël.

Figée, elle porte une pancarte sur laquelle on peut lire « Aidez-moi ».

Une prise d’otage a lieu à l’intérieur de la cathédrale, et une victime a déjà été tuée.

Le preneur d’otages exige de négocier avec l’agent du FBI Eve Rossi.

Récalcitrante à traiter l’affaire, cette dernière comprend rapidement que le preneur d’otages connaît certains secrets de sa vie.

Ses motivations sont obscures, mais la question qu’il pose aux cinq otages est toujours la même : « De quoi êtes-vous coupable ? »

Déclenchant une autre série de crises, auxquelles l’équipe d’Eve Rossi, composée d’ex-détenus et de vétérans aux tempéraments extrêmes, devra faire face.

Pour l’agent du FBI s’engage alors une course contre la montre haletante… »

Eve Rossi est une profileuse du FBI présentant des failles, des échecs, des souffrances mais ses capacités intrinsèques sont reconnues et estimées. En ayant bien conscience qu’elle peut-être le fusible de son supérieur, elle s’engage donc dans cette partie d’échecs à ses conditions. Elle souhaite, dans le contexte, reformer l’unité dont elle était l’initiatrice et la fédératrice. Composée de franc-tireurs, d’experts dans leur domaine propre, ils restent pour la majorité peu enclins à respecter le manuel, à traverser dans les clous. C’est par l’intermédiaire de ce groupe qu’sEve tentera de donner une issue favorable à cette dramaturgie au cœur de la ville, au sein d’un édifice religieux symbolique de celle-ci. Les obstacles, nombreux, revêtent des natures disparates et la gestion de la crise s’ avéreront complexes au vu des pressions subies et du déroulé du scénario…

Nous sommes les spectateurs d’un thriller policier de trame classique. Sa structure, son cheminement n’offrent pas un point de vue original, on est dans le déjà-vu. Et je me le suis affirmé tout au long du récit mais insidieusement, inconsciemment, progressivement une évidence a éclairci mon jugement. En effet comment ne pas reconnaître que l’écrit présente un intérêt réel quand au détour de sa lecture on s’apercevait que l’on débaptisait des proches par les patronymes des protagonistes principaux… ! Outre les capacités de l’officier Rossi, on se complaît à suivre les interactions des éléments au sein du groupe VIDOCQ. Tant par leurs différences respectives que par leur anti conformisme, jouissant d’une cohérence et complémentarité, on suit irrémédiablement leurs doutes, leurs questionnements, leurs souffrances dans un univers et un contexte traumatique.

On croisera dans les personnages secondaires, entre autres, le prépondérant écot d’une ancienne pom-pom girl surnommée Chouchou tenancière de bar et rouage essentiel dans le recueil d’informations « underground ». On y décèle de même une référence à l’ouvrage de Ryan David Jahn « De bons voisins » qui pourrait être la symbolique parabole de l’écrit présent.

Classique mais recommandable, s’insinuant dans l’inconscient, et ouvrant l’appétit de nouveaux chapitres !

Chouchou.

UNE OFFRANDE A LA TEMPETE de Dolores Redondo/Mercure noir

 

Traduction : Judith Vernant

Baisser-de-rideau pour la trilogie du Baztan et le moins que l’on puisse affirmer c’est que la cohérence, la tension, la justesse est de mise pour cet édifice littéraire.

« La mort subite d’une petite fille devient suspecte lorsque le médecin légiste découvre qu’une pression a été appliquée sur le visage du bébé.

Très vite, les soupçons se portent sur le père au comportement étrange, qui tente même de dérober le cadavre du nourrisson afin de « terminer ce qui a été commencé ».

La grand-mère, elle, est persuadée que ce meurtre est l’acte d’Inguma, créature maléfique issue de la mythologie basque.

Aux yeux de l’inspectrice Amaia Salazar, cette histoire est une énième légende.

Mais lorsqu’elle décide de s’intéresser de plus près aux morts subites de nourrisson déclarées dans la vallée de Baztán ces dernières années, Amaia observe pourtant des similitudes troublantes et l’enquête prend une tournure inattendue.

Fuyant son rôle d’épouse et de mère, Amaia se consacre entièrement à cette nouvelle affaire qui la mène à l’origine même des événements qui ont frappé la vallée et la confronte bientôt à son passé et à ses propres démons.”

De nouveau, et naturellement, on est emporté dans le pays basque espagnol. On y retrouve, bien sûr, Amaia Salazar, l’inspectrice aux homicides, et l’ensemble des protagonistes croisés dans les précédents volets. Le récit, en parfait accord avec l’atmosphère perçue précédemment, emprunte aux croyances, à la mythologie autochtones les contours de souffrances, de résurgences irrémédiables en lien avec les infanticides commis.

L’auteur perçoit ses personnages comme un prolongement concret aux us et coutumes d’une histoire séculaire. Chacun développe une spécificité propre face aux tourments, aux blessures, aux cicatrices de vies tatouées par la malédiction et/ou les affres psycho-criminelles. Amaia est le reflet de son histoire et conjugue, additionne ceux de ses proches… Elle fait montre de sa ténacité exemplaire, représente inlassablement la figure tutélaire d’une famille tiraillée par les dérives pathologiques de « l’ama » (la mère). Couplé au totem de la « tia », (la tante) l’équilibre émotionnel et relationnel s’accomplit, aussi bien sur le versant privé que professionnel.

Les rebondissements de l’enquête se fondent, tout de même, dans une logique « irrationnelle » d’entités, de groupes « dépositaires » des préceptes, des fondements de l’autorité mythologico-religieuse. S’enchevêtrent alors des questionnements personnels, professionnels, voire philosophiques, qui débouchent néanmoins sur des valeurs intrinsèques non galvaudées, ni méprisées. La survivance de rites ancestraux et les couvercles formés par le pouvoir ecclésiastique aboutissent aux atrocités décrites dans cette trilogie.

Dolores Redondo a dans son regard l’étincelle d’une écrivaine sincère, honnête avec ses personnages et son lectorat. Son pouvoir de captation indubitable cerne des personnages ancrés dans leurs terres, leurs contrées et qui ont une ligne directrice indéfectible tout en conservant leur part humaine avec les faiblesses, les anfractuosités, les ridules et plaies de vécu noir.

Tourbillon de désolations et de tourments affectifs font de cette clôture le saphir d’étoile comme l’apothéose, le bouquet final d’un ouvrage pyrotechnique bicolore noir et blanc.

Talent littéraire brut et émotionnel !

Chouchou.

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