Pour les aficionados de Mark SaFranko, ces derniers mois ont marqué le retour de l’auteur américain en version française. Les éditeurs La dragonne et Inculte ont en effet publié (ou republié) trois romans, dûment chroniqués par Nyctalopes. L’inventaire serait toutefois incomplet si nous n’y ajoutions pas Le fracas d’une vague, une compilation littéraire de nouvelles et poèmes en prose, suivis d’un entretien récent avec l’auteur. Il est vrai que Kicking Records est plus connu sans doute comme un label dédié au rock version bruitiste ou rageuse. Il publie toutefois quelques ouvrages (monographies, BD, recueils) non sans rapport avec le rock version bruitiste ou rageuse. Mark SaFranko est lui-même chanteur et compositeur.
Le fracas d’une vague se compose principalement de 6 nouvelles inédites (qui « font partie des toutes meilleures que j’ai écrites » déclare l’auteur) et de 12 poèmes en prose et est illustré par des linogravures du plus bel effet de Delphine Bucher, révélatrices du spleen américain provincial qui imprègne les textes. Pour le dire autrement, on a eu des bouquins plus mal fagotés en main.
Dans ce pays où il a bourlingué du nord au sud et d’est en ouest (et cela se sent), Mark SaFranko nous transporte dans les endroits les plus mornes et les communautés les plus bornées, à l’écart des grandes cités et des grandes circulations. Même si le cadre naturel force aux lisières sa beauté et sa sauvagerie, c’est des tourments des humains dont Mark SaFranko fait son miel sombre. Un homme, une femme. Ils sont rencontrés, ils se quittent. Ils doivent s’oublier. Et ça fait mal, longtemps après encore. Ou bien ils se rencontrent et il ne vaudrait mieux pas. Mais que voulez-vous faire contre le chagrin, l’ennui ou la tentation ? Pour Mark SaFranko, les élans du désir et les relations sentimentales semblent immanquablement marqués du sceau de l’erreur, de l’affliction et de l’échec. C’est affirmé et répété au fil de ces 6 pièces de blues mélancolique, parachevé par L’homme de la chambre 24. Une femme abandonnée, qui se sent en plein déclin, (« Un exil. Elle approchait de la cinquantaine – un chiffre impensable – comme dans la gueule d’un animal sauvage. ») noue une irrépressible relation charnelle avec un client de son motel, malgré l’aspect dangereux du quidam. La plus belle et la plus dure des nouvelles du recueil à mon sens. Pas de côté dans cet ensemble, la nouvelle Maudit Refrain ravira les adeptes du genre musical. Elle revisite avec un comique féroce le personnage de l’ancien musico, méchant loser, incapable de passer à la postérité ni même de se faire reconnaître au présent comme méchant tout court.
L’ouvrage propose aussi pour la première fois un aperçu de la poésie de Mark SaFranko, « décomplexée, fulgurante et sans fioritures. » Les 12 poèmes, dans l’immédiateté, racontent l’homme « rempli » du besoin d’écrire, les obstacles qu’il rencontre, les déceptions qu’il lui faut avaler. L’entretien en long qui suit nous fait connaître un peu mieux si c’était nécessaire l’auteur, son parcours et les liens tissés avec la France, attestés aussi avec la publication du Fracas d’une vague qui a bénéficié de son implication sincère.
Sans fracas, du beau, du bon SaFranko, habillé en tuxedo par Kicking.
Paotrsaout
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