Si la belle de Cadix a des yeux de velours et vous invite à l’amour comme le dit la chanson, celle de Casa, par son regard de braise allume des incendies bien vains chez les hommes du quartier Derb Taliane. Les hommes la poursuivent de leurs assiduités plus ou moins innocentes et passionnées mais elle n’ en a cure concentrant son temps et son argent gagné dans des magouilles sur Internet et autres petits trafics à prodiguer des soins à sa mère malade et bien dérangée.
Mais un matin, Ichrak est retrouvée morte égorgée dans la rue…C’est son ami mais juste ami Sésé migrant en provenance du Congo et planté là en attendant l’aubaine pour passer la Méditerranée qui la découvre et qui sera le narrateur de cette histoire qui n’est que de très loin un “whobunit” même si le coupable sera connu à la fin.
Ni le thème, ni le lieu, ni la couverture n’auraient dû m’attirer mais dès les premières pages, on est emballé par le ton particulièrement réjouissant de l’auteur congolais résidant en Belgique et dont c’est ici le troisième roman à sortir chez Actes Sud. Il y a beaucoup de verve chez In Koli Jean Bofane, un ton endiablé , moqueur et tendre à la fois, lucide, agrémenté de considérations malicieuses sur Chergui, le vent capricieux, cause de bien des tourments des Casaouis.
Truffée de personnages principaux comme secondaires hauts en couleur, “La belle de Casa” offre une splendide photographie d’un quartier et une belle chronique des gens qui vivent dans ce quartier délabré et victime de financiers voulant raser les bidonvilles pour ériger un quartier luxueux débarrassé des indigents et offrant le plus à une société moscopolite mais surtout argentée.
A la détresse de la pauvreté, s’ajoute la peine et la précarité des migrants venus de pays plus au sud, échoués là en attendant le grand voyage. Mais au lieu d’emprunter un discours lénifiant ou compatissant, l’auteur choisit un ton bonhomme, l’humour, seul antidote gratuit au désespoir et à la misère. Au milieu de cette jungle qui survit, naît une amitié entre la Belle et Sésé lâché sur la côte un jour et pensant débarquer à Deauville.
Au coeur de cette belle photographie de Casablanca, l’auteur montre le racisme, le poids de la religion, la corruption politique et policière, la concupiscence mais aussi la générosité de gens qui n’ont rien, le système D. In Koli Jean Bofane possède la même tchache, le même bagout, la même faconde heureuse que l’auteur gabonais Janis Otsiemi proposant ainsi des dialogues et des portraits très réjouissants malgré la dureté de la situation.
“la belle de Casa” contient aussi plusieurs citations de Booba, l’un des guerriers « vigoureux » de l’aéroport d’Orly en août, dont est particulièrement friand un des flics locaux d’ un roman particulièrement réjouissant et roboratif malgré ces drames si quotidiens et l’ horreur de la perte de la perle Ichrak.
Wollanup.
PS: Que vient faire Kéziah Jones sur la couverture ? Plus vendeur que Booba peut-être pour les lecteurs d’ Actes Sud?
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