Traduction: Alex Fouillet.
Suz a dix- neuf ans mais en paraît douze, petite gamine informe vivant dans un cité HLM délabrée de Copenhague. Suz n’a pas d’ amis, pas de vie hors de son triste univers solitaire, malbouffe, shit médiocre, horizon bouché sans éclaircie à prévoir. Un jour, deux flics, plutôt paternalistes dans leur intentions, l’ avertissent que son père, détenu modèle, va sortir de prison plus tôt que prévu. Elle doit donc se préparer à affronter à nouveau le cauchemar. Elle commence à se bouger, se crée des épreuves, des tests, pour forger son caractère, fuir sa peur, pour se préparer à affronter un monstre dont le sang coule dans ses veines et à le tuer.
Il y a eu un drame familial mais on en ignore la teneur. Sont évoqués une mère inconsciente dans son lit, un frère parti se battre en Afghanistan et ce père donc qu’elle veut supprimer. On n’en saura pas plus dans la première partie, on suivra juste Suz dans ses rapports difficiles avec les gens de son quartier, se méfiant des petites frappes tout en refusant les quelques mains tendues. Suz vit la pire des solitudes mais ses tests lui permettent de tenir puis quelques activités de deal d’herbe et de shit la feront rêver de pouvoir acheter une arme et de buter l’ordure le moment venu.
Malgré le calvaire vécu par Suz, le ton n’est pas toujours morbide et ces relations de petite sauvageonne avec son entourage des enceintes bétonnées oubliées déclenchent parfois le sourire malgré le drame vécu, malgré la misère, malgré la merditude de son existence…
Sans l’envoi de la bonne fée Joséphine de chez Denoël, je serais passé à côté de ce roman, aucun doute. Les histoires de jeunes paumés dans des zones urbaines, sortes de prisons à ciel ouvert sans réel échappatoire, sont légions mais “la fille-hérisson” se distingue vraiment du lot par l’empathie pour Suz que sait créer, sans compassion putassière, sans misérabilisme larmoyant Jonas T. Bengtsson. A chaque fois que Suz sort de son appart, on tremble pour elle. On s’inquiète de ses rencontres avec la racaille locale, des tests qu’elle s’impose, de ses envies d’en finir. Suz est aussi touchante que Eva l’héroïne de l’effroyable “Débâcle” de Lize Spit. Pareille enfance flinguée par les parents, même drame, même dégoût de la vie, même horreur vécue jour après jour même si les projets des filles sont différents et ne situent ni à la même latitude ni dans un tissu social comparable.
Suz, un personnage qu’on n’oublie pas, Petite Sirène du chaos…
Wollanup.
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