Ziz is back ! Et on ne peut pas dire que son horizon se soit dégagé depuis Cendres de Marbella ou Maître de cérémonie. Nous l’avions quitté affublé d’un costard de croque-mort improvisé, nous le retrouvons, égal à lui-même, surfant entre précarité suburbaine et expédients tous plus foireux les uns que les autres. En quatre tableaux, comme autant de lavis en noir et gris, Hervé Mestron reprend son meilleur rôle, celui de peintre vif et déjanté d’une banlieue qu’il connaît sur le bout des pinceaux. Rappelons qu’il habite Aubervilliers, 9.3 DC, depuis toujours et que ses traits, certes forcés au burin, ne racontent que ces matérialités sordides mais bien réelles.
À propos de réalisme turpide, le premier texte, Roland, vaut son pesant de galettes de crack. En une sorte de bourbier intergénérationnel, entre un père fantôme à plusieurs visages et un bébé en Moïse mal enquillé dans la vie, Ziz claudique, vacille, mais tient son cap aléatoire.
Le braquo suivant est tout aussi minablement raté. Faut bien avouer qu’après le mitard on rebat les cartes et les prétentions : « C’est un peu comme ça que je suis passé de la grande délinquance à la petite. Que normalement c’est l’inverse, avec l’âge, l’expérience, tout ça, tu montes en grade. Toi c’est le contraire, tu descends ». Ziz y perd même sa magnifique gueule d’ange abruti pour devenir ce Sans visage annoncé par le titre. Il tente aussi d’y apprivoiser la campagne et les clapiers préfabriqués d’un genre de Val-de-Reuil bourguignon. Mais les destins savonnés ne changent pas en fonction du décor. Quand ça veut pas, ça veut pas. Dick crève pour la seconde fois, Nadège trinque encore et encore, les incendies reviennent comme un refrain collant et le cave finit à la cave.
Pas moins débridé, le troisième et bien nommé Balance cabote au pif entre ethnographie dézinguée et kits de survie low cost. La surface livide du marigot s’irise, Dick, le pote de maternelle, ressuscite pour quelques pages, pas plus, et Ziz redémarre propre comme un sous neuf de contrebande. Même Nadège veille en apnée sur le landau d’emprunt. Comme si ça pouvait durer. Non, ça ne dure pas et le Ô Bled ! final n’arrange rien à l’affaire. Le business du trafic d’organes pulvérise les limites de l’indicible sans égratigner la torve bonhommie générale. Mais Ziz rabat son caquet et termine en roue libre et quasi peinarde, sans même penser à ces autres roues libres de rodéo hors quota de décibels tonitruants sur le boulevard Maurice Thorez ou l’avenue Marx Dormoy. Oran est au bout de la rue, square Rol-Tanguy, s’il y arrive.
Je vous laisse : deux gusses rivalisent d’amabilités en bas de mon bloc pour une place de stationnement. J’entends déjà Hervé Mestron extrapoler l’embrouille dès le prochain épisode…
JLM
Commentaires récents