Hervé Mestron écrit depuis 96,” passant indifféremment du polar à la comédie, du scénario au roman musicologique, de la fiction radiophonique à la littérature jeunesse.” (source Babélio). Il vit à Aubervilliers, n’est pas tout à fait un de ces enfants dont parlait Prévert à la fin de la guerre mais il prend la commune du 9.3 comme cadre de ces deux novellas noires sorties chez Antidata en 2017 pour “ Cendres de Marbella” et en juin de cette année pour “ Gardien du temple”. Il est préférable d’acheter, à très bon marché, les deux puisqu’elles racontent la même histoire, le boléro de Ziz de la cité Ravel à Auber et peut-être aussi parce que sans le premier, le second me paraît boiteux.


“Cendres de Marbella” donne la parole à Ziz, quinze ou seize ans, qui ne connaît pas son père, dont la mère s’est pendue il y a quelques années et qui a été élevé par K. son frère aujourd’hui en taule. Avec l’aide de Dick, le caïd de la cité, il se lance dans le boulot de la came. D’abord chouffeur, guetteur, il s’illustre par sa fermeté dans les affaires et par son talent à régler les différends commerciaux et les histoires de territoires. Ah ouais, c’est la banlieue, pas trop mon monde ni un univers littéraire qui me passionne ou m’attire encore mais tout est sauvé par la verve, l’humour détonnant, irrespectueux, un poil provocateur de l’auteur et par la description de la zone, l’économie souterraine, la loi de la cité, ces zones de non-droit idéalisées par Ziz. La solidarité existe, on y assure mieux qu’à la Maif, les soins sont mieux remboursées que par la sécu et la MGEN. Mouais ! On arriverait presque à trouver sympathique Ziz si on oubliait qu’il a tué et qu’il recommencera froidement, sans pitié. 

Le Rastignac de la zone va monter à Paris, vendre chez les bourges sous le couvert d’un emploi d’agent immobilier également très rémunérateur grâce à sa gueule d’ange. Il empile les liasses, a une copine “gauloise”, bourgeoise camée dont les amis fréquentent les grandes écoles, ont la belle vie des sales gosses gâtés. “ Si à 50 ans on n’a pas une rolex c’est qu’on a raté sa vie”, la vision de la réussite chez ce pôvre Séguéla, Ziz la connaît dès 17 ans. Mais, souvent, ce genre de réussite éclair est aussi synonyme de vivre vite et mourir jeune. Il suffit d’un grain de sable et plus dure serat la chute au sens figuré comme au sens propre pour Ziz…


Dix ans ont passé, Ziz sort de zonzon. Mais, durant son absence, la vie, la France, sa cité ont changé et la droite au pouvoir a légalisé le cannabis foutant en l’air le système social et économique où certains s’en foutaient plein les poches pendant que les autres ramassaient les miettes. Les cadors d’hier comme Dick sont les losers d’aujourd’hui dans leurs survets griffés pourraves, tristes gros bouffons puant la mort et le malheur. Ziz revient à Ravel, en zone sinistrée. Et c’est un autre monde que va découvrir Ziz, il va vivre son “Carlito’s way” du naze. Cette deuxième partie est beaucoup plus noire, violente, cruelle, absolument nécessaire mais peut-être moins addictive parce que très noire et montrant trop le désenchantement sans les pointes humoristiques d’un premier opus beaucoup plus fouillé.

Il est peut-être préférable de le répéter, lisez les deux pour trouver le plaisir des “retrouvailles” avec Ziz du second. Lire le seul “Gardien du temple” vous laissera sur votre faim et vous rateriez un excellente première novella.

9.3 !

Wollanup.