A Rip In Heaven

Traduction: Christine Auché

Un soir d’avril 1991, à la faible lueur de leurs briquets, deux sœurs, Julie et Robin Kerry, font découvrir à leur cousin Tom Cummins les poèmes et graffitis inscrits sur l’Old Chain of Rocks, le pont qui enjambe le Mississippi à la sortie de St. Louis. Au même moment, quatre jeunes de la région trompent leur ennui en arpentant ce vieux pont, depuis l’autre rive. Lorsque leur route croise celle du petit groupe, on assiste brusquement à un terrible déchaînement de violence. Tom, qui réussit à en réchapper, ne peut pas imaginer que pour lui, sa sœur Jeanine et toute la famille Cummins, une interminable épreuve commence.

Un fait divers brutal qui fera deux mortes et un miraculeux survivant. Des familles à jamais endeuillées et meurtries. L’événement défraie la chronique. Les coupables sont jeunes mais sans pitié, les victimes sont jeunes également et à l’aube d’une vie pleine de promesses. Les familles impactées sont prises dans la spirale médiatique et font face à une justice capable d’erreurs impardonnables. Les conséquences sont multiples et durables. Ceci n’est pas une fiction. C’est le récit de toutes les victimes concernées, de ce qu’elles qu’étaient avant, de ce qu’elles auraient pu devenir et de ce qu’elles sont devenues. Ce n’est pas, comme souvent, une chronique détaillée d’un crime sordide et de ses criminels, mais une tentative de rendre justice à toutes les personnes ayant souffert des faits, en racontant leur histoire.

Avec « Une déchirure dans le ciel », Jeanine Cummins, autrice du livre et sœur du survivant de ce fait divers, dresse un portrait plein d’humanité de toutes les personnes qui furent autour d’elle, au moment des faits, et dont elle a vu la vie être à jamais bouleversée. Elle nous plonge, comme si nous y étions, au cœur de la tourmente et dans l’intimité de ses proches. On est happé par la force du récit et sa charge émotionnelle. L’histoire a beau être terriblement triste, elle est aussi, relatée ainsi, pleine de lumière et de tendresse.

Il y a néanmoins quelque chose d’assez perturbant dans ce livre, pour ne pas dire dérangeant. Plusieurs fois au cours de ma lecture j’ai eu l’impression de lire une fiction, un roman bien mené. Cette impression est imputable à des choix narratifs assez discutables. Jeanine Cummins se pose en narratrice omnisciente, tellement omnisciente qu’elle est capable de prêter une quantité assez incroyable de petits gestes, d’émotions ou de pensées à tous les protagonistes du livre. Si il y a certes eu des entretiens en amont, ainsi qu’une proximité indéniable de l’autrice avec une bonne partie des personnes concernées, l’omniscience, dans une œuvre non fictionnelle, a ses limites. Elle dit elle-même : « Je n’ai jamais eu l’intention de parler au nom de quelqu’un d’autre. » C’est pourtant, par moments, l’impression que cela donne. Qu’en penser exactement ? Je vous laisse juge de cela.

Bien que clairement troublé par le procédé narratif, qui me laisse la fâcheuse impression d‘avoir été manipulé en tant que lecteur, force est de constater que « Une déchirure dans le ciel » reste une lecture prenante et touchante. La puissance émotionnelle du récit est réelle. Difficile de rester insensible. Pour le reste, le débat reste ouvert.

Brother Jo