Chroniques noires et partisanes

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SUR LA DALLE de Fred Vargas / Flammarion

“Adamsberg quitte Paris pour la Bretagne afin d’enquêter sur des meurtres dont le principal suspect est un descendant de Chateaubriand.”

On attendait Adamsberg depuis six ans, enfin le revoilà qui plus est en Bretagne ! Certes, pas tout à fait la mienne, plutôt une carte postale sépia tirée des années 70 avec ses biniouseries que les gens nous envient : les légendes, les vieux cailloux, les boiteux, les fantômes, les piétineurs d’ombre, les cafés très conviviaux où vit le village… tout le folklore est présent. On avait quitté Adamsberg avec des araignées, il revient en chasseur de puces, attaché autant que l’auteure aux maux de la planète et aux dérèglements du climat.

Les fans du commissaire retrouveront avec plaisir son côté lunaire et totalement atypique et ses “je ne sais pas” devenus légende. Dans cet opus, il va jusqu’à s’allonger sur la dalle d’un dolmen, d’où le titre, pour éclaircir ses idées floues. On peut aussi saluer la grande diversité des personnages secondaires: de Josselin de Chateaubriand cultivant sa ressemblance avec son illustre ancêtre afin d’attirer les touristes jusqu’à l’aubergiste local, figure importante et restaurateur hors pair.

L’enquête est très alambiquée comme à l’accoutumée et on aime ou déteste Fred Vargas justement pour ça, mais cette fois, elle nous perd de temps en temps. On se lasse des multiples fausses pistes et malgré le bonheur de passer un moment avec Adamsberg, Retancourt et Veyrenc, on accueille la fin avec un certain soulagement.

Pour les inconditionnels, ce roman restera un plaisir. Aux nouveaux lecteurs, je conseillerais de découvrir Fred Vargas dans ses anciens romans comme “L’homme à l’envers” ou “Pars vite et reviens tard”.

Avec “Sur la dalle”, Fred Vargas nous laisse un peu sur notre faim.

Clete.

QUAND SORT LA RECLUSE de Fred Vargas chez Flammarion

Fred Vargas est une archéozoologue et une écrivaine qu’on ne présente plus tant ses livres ont du succès, notamment ceux de la série du commissaire Adamsberg qu’on retrouve ici avec bonheur.

« – Trois morts, c’est exact, dit Danglard. Mais cela regarde les médecins, les épidémiologistes, les zoologues. Nous, en aucun cas. Ce n’est pas de notre compétence.

– Ce qu’il serait bon de vérifier, dit Adamsberg. J’ai donc rendez-vous demain au Muséum d’Histoire naturelle.

– Je ne veux pas y croire, je ne veux pas y croire. Revenez-nous, commissaire. Bon sang mais

dans quelles brumes avez-vous perdu la vue?

– Je vois très bien dans les brumes, dit Adamsberg un peu sèchement, en posant ses deux mains à plat sur la table. Je vais donc être net. Je crois que ces trois hommes ont été assassinés.

– Assassinés, répéta le commandant Danglard. Par l’araignée recluse? »

Adamsberg et son équipe, cette brigade qu’on aimerait réelle où les enquêtes soulèvent toujours des questions existentielles qui font évoluer même les plus bourrins, où l’on nourrit chat et merles. Adamsberg, policier original avec ses pensées volatiles, ses intuitions brumeuses, son œil sans pareil pour les détails qui paraissent insignifiants, Danglard sa mémoire érudite et sa rigueur presque insoluble dans le vin, Retancourt la déesse mère, Peyrenc le poète… et tous les autres, on les retrouve avec un grand plaisir, avec en prime une visite de Mathias, personnage d’anciens romans que personnellement j’adore.

Pourtant, dans cet opus, la brigade n’est pas loin d’imploser : Danglard s’oppose à Adamsberg de façon inédite et brutale et menace de briser l’unité de la brigade. L’enquête démarrée sur un frisson de nuque d’Adamsberg se fera donc sans et malgré lui, après trois morts par morsure de recluse, une petite araignée du sud de la France peu agressive et normalement non mortelle, contrairement à sa cousine d’Amérique, malgré un venin nécrotique capable de provoquer des dégâts horribles chez les sujets sensibles.

Mais les recluses ce sont aussi ces femmes qui se faisaient volontairement emmurer vivantes au Moyen-Age. Considérées comme des saintes protectrices de par le sacrifice de leur vie, elles survivaient grâce à la charité et aux dons qu’on leur passait par une fenestrelle. Fred Vargas, l’historienne amoureuse des mots ne pouvait passer à côté : elle nous entraîne dans une sombre histoire de recluses qu’elle tisse de main de maître en jouant avec les sens, les racines des mots sans oublier leur musique ! Son écriture ciselée, sensuelle crée un univers étrange et poétique avec des dialogues savoureux et on y plonge avec délice.

L’affaire des morts par morsure de recluse fait du bruit sur le net dans les blogs spécialisés : la cousine américaine de la recluse a-t-elle pris l’avion ? Le dérèglement climatique est-il en cause ? Les hypothèses vont bon train et cette mini psychose donne un prétexte à Adamsberg pour enquêter. Il va être entraîné dans une histoire noire, violente dont les racines plongent loin dans le passé mais aussi dans les ténèbres de l’esprit humain, le mal dont il est capable, la souffrance qu’il peut infliger. Une histoire dont personne ne sortira indemne, ni les personnages, tous réussis, ni le lecteur.

Fred Vargas raconte une histoire extraordinaire tout en étant complètement vraisemblable. La psychologie des personnages est fouillée, même les inconscients s’expriment, Fred Vargas connaît la puissance des mots et des noms. Elle réussit à nous tenir en haleine jusqu’au bout et nous offre un roman fort qui nous confronte au Mal et résonne longtemps après avoir refermé le livre.

Magnifique !

 

Raccoon.

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