Chroniques noires et partisanes

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IL ETAIT UNE FOIS DANS LES AMÉRIQUES de David Grann / Editions du Sous-Sol

David Grann est journaliste et travaille depuis 2003 pour le magnifique et précieux magazine The New Yorker qu’il alimente d’enquêtes, d’histoires, de destinées qu’on a du mal à croire réelles tant elles défient parfois l’entendement.

Ce recueil regroupe deux nouvelles sorties dans The New Yorker il y a une dizaine d’années et éditées en France par les éditions Allia et une histoire beaucoup plus dense qui fait les trois-quarts du livre et éditée par Robert Laffont. L’ouvrage est titré Il était une fois dans les Amériques parce qu’aucune ne se déroule aux USA. Cuba, le Guatemala et l’Amazonie sont le décor de ces aventures complètement folles.

On vous a déjà parlé de David Grann auteur du fantastique Les naufragés du Wager en cours d’adaptation par Martin Scorsese himself avec Di Caprio dans le rôle principal. Le dernier film du réalisateur était lui-aussi une adaptation d’un excellente enquête de David Grann La note américaine devenu Killers of the Flower Moon interpété notamment par Di Caprio encore et Robert De Niro. Mais Scorsese n’est pas le seul grand cinéaste à avoir été séduit par le travail de Grann comme vous pourrez le constater plus loin.

Chronique d’un meurtre annoncé

« Lorsqu’en 2008, mandaté par l’ONU, le juge Castresana atterrit au Guatemala et s’empare de l’affaire du meurtre de Rodrigo Rosenberg, avocat guatémaltèque estimé, il ne sait pas qu’il s’apprête à ouvrir une véritable boîte de Pandore. » Le Guatemala, pays parmi les plus dangereux du nouveau millénaire, est le théâtre d’un meurtre, un de plus finalement dont on ne découvrira jamais les vrais commanditaires… Mais l’ONU mandate un spécialiste des affaires délicates en milieu hostile, qui va enquêter dans l’adversité et sera lui-même surpris, effrayé par ce qu’il découvrira.
« Une fois résolu le mystère de l’assassinat de Rosenberg, c’est la panique et non le soulagement, qui a submergé castresana. Il trouvait l’histoire si incroyable – c’était sans doute l’épisode le plus bizarre dans les annales des complots politiques – que tout le monde, pensait-il, l’accuserait d’avoir créé une fiction mensongère, comme il y en avait eu tant d’autres, afin de protéger le gouvernement. »

Yankee Comandante

Cette novella datée de 2012 raconte l’histoire extraordinaire de William Alexander Morgan, Américain ayant épousé la cause de Fidel Castro et s’étant battu pour libérer Cuba du tyran Batista. Le leader cubain le fera fusiller en 1961…

« Le Comandante yankee, c’est William Alexander Morgan, figure héroïque de la révolution cubaine pour les uns, traître national pour les autres. Cet homme intègre n’aura eu qu’un mot à la bouche : Liberté. Mais aussi : Vengeance. En 1957, il se joint aux forces rebelles menées par Fidel Castro pour libérer Cuba du dictateur Batista. Son mobile : venger la mort de l’un de ses amis, torturé et jeté aux requins pour avoir fourni des armes aux rebelles. Ce renversement politique permet l’accession au pouvoir de Fidel Castro, le même qui ordonnera qu’on le fusille, le 11 mars 1961. Salué pour sa bravoure, Morgan avait obtenu le plus haut grade, celui de commandant, à l’égal de l’autre figure étrangère de cette rébellion, l’Argentin Che Guevara. Cependant, cet Américain proche de Castro éveille bientôt des soupçons… » Révolutionnaire ou agent double ? Quelles étaient ses réelles motivations ?

La cité perdue de Z

« Considéré comme le dernier des grands explorateurs victoriens, Percy Harrison Fawcett était de ceux qui s’aventuraient dans des contrées inconnues avec pour seules armes une machette, une boussole et une ferveur quasi mystique.
Ce colonel passionné d’aventures avait déjà acquis de son vivant l’étoffe d’un héros : ses expéditions légendaires, suivies par une presse avide d’exploits, fascinaient le monde entier.
Lorsqu’il engage en 1925 une expédition au cœur de l’Amazonie, Fawcett a la certitude qu’elle renferme un fabuleux royaume, une civilisation raffinée dotée d’une architecture monumentale. Accompagné de son fils Jack et de son ami d’enfance Raleigh, le colonel s’enfonce dans la forêt. Mais bientôt, l’expédition ne donne plus aucun signe de vie, laissant en suspens le mystère de la cité perdue. »

Sorti aux USA en 2009 et l’année suivante chez Robert Laffont cet ouvrage raconte le destin tragique du cartographe Percy Fawcett disparu en 1925 avec son fils lors d’une expédition pour découvrir une cité perdue au plus profond de l’Amazonie, synonyme d’une civilisation avancée. L’Aventure humaine avec une majuscule transpire de ces pages un peu comme dans l’histoire du Wager. La disparition de Fawcett a entraîné une dizaine d’expéditions au cours du XXème siècle. Une fois de plus la crème du cinéma américain s’est emparé de l’oeuvre de Grann et c’est James Gray, très attachant réalisateur, qui a tourné l’histoire en 2016. Même si vous avez vu le fim, la lecture de cet opus vous réserve de belles surprises car le long métrage ne rend pas compte de l’obsession de Grann qui, en cours d’écriture, se demande s’il n’est pas lui aussi gravement contaminé par la quête de cette cité. Une fois de plus, Grann a effectué un travail d’orfèvre accédant aux sources les plus intimes de la vie de l’explorateur.
« Mes fouilles dans la vie de Fawcett m’ont amené à puiser largement dans ces documents inédits: journaux intimes, carnets de route, lettres de sa femme et de ses enfants, courriers de ses compagnons les plus proches, mais aussi de ses concurrents les plus âpres. »

Nombreux sont les journalistes qui se lancent dans la « non fiction » mais aucun n’atteint la perfection, la maîtrise du récit, la précision d’un David Grann conteur hors pair. Si vous aimez les destins extraordinaires d’hommes habités par une passion dévastatrice qui les mènera à leur perte, si vous aimez quand la réalité est tellement plus forte, plus belle que n’importe quelle fiction, quand l’écriture vous emporte au plus profond de la noirceur, Il était une fois dans les Amériques vous séduira, vous enchantera, vous comblera bien au-delà de vos espérances.

Clete

MYTHOLOGIE DU. 12 de de Célestin De Meeûs / Editions du sous-sol.

C’est l’histoire d’un jour de solstice d’été au milieu de nulle part.

C’est l’histoire de deux jeunes types qui zonent sur le parking d’un supermarché dans une vieille Clio, à se chambrer et à enchaîner les bières et les joints.

C’est l’histoire d’un médecin, dont la vie rangée et la famille modèle, construites dans une obsession de réussite, volent en éclats, un homme éméché qui ressasse, impuissant, ses échecs et s’enferme peu à peu dans un monologue paranoïaque et délirant.

C’est l’histoire d’une soirée qui n’en finit pas, d’un snack sur le bord de la route, d’un trip dans la nature et d’une petite cabane au bord de l’eau, de Max et de Théo, de Rombouts et du tenancier de Chez Moustache, d’un médecin à la dérive, de traînards, de la haine et de l’ennui, de ce qu’on ne regrette que parce que cela nous échappe, du besoin de possession et du constat amer que rien ne se contrôle, de l’ivresse et de la violence.

C’est la rentrée littéraire des poètes au premier roman. Il y a le sublime Amiante de Sébastien Dulude, mais il y a aussi Mythologie du .12 du belge Célestin de Meeûs. C’est publié par les éditions du Sous-Sol avec, en couverture, L’Ange du foyer, peinture du surréaliste Max Ernst, alors même que l’on célèbre le centenaire du Manifeste fondateur du surréalisme.

Ce n’est pas l’histoire que l’on retiendra ici. Tout est parfaitement prévisible. Pas franchement original. Des trajectoires assez quelconques qui finissent pour se rencontrer en un climax. On peut, potentiellement, facilement s’en désintéresser. Et j’ose imaginer qu’il y a de quoi en décevoir certain(e)s. On notera, peut-être, quand même, les curieuses références à la mythologie grecque par le prisme du personnage de Théo. Néanmoins, cela ne fait pas une histoire. Oui, je sais, dit ainsi, ce n’est pas très vendeur. Mais c’est la faiblesse du livre. Une faiblesse qui pourrait d’ailleurs être une conséquence de sa meilleure qualité. Ou pas. Là, c’est une simple supposition. Tout ça pour dire que, peut-être, aurait-il fallu élaborer l’intrigue à l’image de la forme.

La qualité du livre, ou plus exactement ce qui fait sa force, mais qui peut là aussi en rebuter certain(e)s, c’est le style d’écriture de Célestin de Meeûs. Ce sont de longues phrases, parfois de plusieurs pages, qui composent ce livre. Alors pas des longues phrases lourdes et ampoulées. Mais des phrases avec du souffle, ponctuées de nombreuses virgules, qui n’épuisent pas. Cela fait l’effet d’un flot de mots qui nous aspire. Déjà court, le roman ne se parcourt ainsi écrit que plus vite. Pour le lecteur, ça passe ou ça casse. Mais, à mon sens, il n’est ici pas difficile de se laisser porter par la plume. 

Mythologie du .12 est un exercice de style plutôt réussi mais qui manque un peu de substance pour pleinement convaincre. Un premier roman engageant, au net potentiel, qui semble passer un peu à côté de ce qu’il aurait vraiment pu être. Pour autant, rien que pour l’écriture, tentez-le, vous pourriez être surpris.

Brother Jo.

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