Traduction: Zooey Boubacar.
Parlons de « la Dernière Goutte », petit éditeur qui m’enchante à chacun des polars latins de sa collection « fonds noirs ». Après l’énormissime « Entre hommes » de Germán Maggiori, l’excellent « Viande sèche » de Martín Malharro, à nouveau une réussite avec ce « Savana Padana de l’ Italien Matteo Righetto à qui l’on doit déjà « Bacchiglione Blues » chez le même éditeur.
« San Vito, cette bourgade miteuse perdue au milieu de la campagne padane, pourrait être un lieu paisible où l’on trompe son ennui en regardant pousser les mauvaises herbes, une bouteille de grappa à portée de main. En réalité, San Vito connaît une concentration assez remarquable de truands minables à la gâchette facile, Italiens d’un côté, Chinois de l’autre et Gitans en périphérie, qui se partagent le territoire et les trafics en tout genre, surveillés du coin de l’œil par des flics véreux. La routine, en somme. Jusqu’au jour où des Gitans fraîchement débarqués ont la mauvaise idée de cambrioler la demeure d’Ettore Bisato et, surtout, de lui voler ce qu’il y a de plus précieux à ses yeux : sa statue de saint Antoine. Or, quand on commet l’erreur de s’en prendre aux biens de quelqu’un que l’on surnomme la Bête, les choses risquent de mal, vraiment très mal finir. »
Un pulp, un vrai, un féroce, 120 pages furieusement drôles tout en racontant des horreurs. Une bande de truands locaux, les « zozos » en apparence plus cons que méchants, en apparence seulement, en conflit avec une pègre chinoise fraîchement débarquée dans la région, un équilibre précaire, une relation périlleuse et improbable mais fonctionnant, foutue en l’air par l’arrivée en pèlerinage de gitans voleurs de poules peu au fait des règles locales mises en place par un chef des carabiniers alcoolo fini et corrompu et c’est le début d’un bordel sans nom.
Le roman est très inspiré des comédies italiennes des années 60 comme les excellents « les montres » de Dino Risi et « le pigeon » de Mario Monicelli tout en étant situé à notre époque et c’est un délice pour qui goûte ce genre d’ambiance.
Par ailleurs, le ton particulièrement railleur et les personnages bien croqués font que le seul reproche que l’on puisse faire au roman est sa brièveté tant cet univers déglingué se quitte à regret. Notons aussi que dans l’écriture comme dans les ambiances, on sent bien l’influence de Donald Westlake, génie disparu et regretté, avec notamment de belles scènes cocasses et décalées dans les deux bars du village, un peu comme au O. J.’s bar cher à Dortmunder.
Enfin, ne négligeons pas trois seconds rôles qui ont leur importance dans le final, trois porcs que leur propriétaire a nommé affectueusement DSK, Berlusconi et Trump.
Westlakien !
Wollanup.
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