Chroniques noires et partisanes

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L’ANTRE de Brian Evenson / Quidam

The Warren

Traduction : Stéphane Vanderhaeghe

L’antre, un lieu sous terre où il se réveille. Dehors, l’air est irrespirable. Pourtant, il va devoir sortir. Sa survie semble être à ce prix. Mais qui est-il ? Est-il aussi seul qu’il le pense ? Et d’où lui viennent les souvenirs qui le hantent ? Le terminal qu’il interroge possède peut-être quelques-unes des réponses aux questions qu’il se pose. Mais le terminal a aussi une question à lui poser : qu’entend-il par ce mot de personne ?

Avec Immobilité chez Rivages, L’Antre est est le deuxième roman de Brian Evenson publié en ce début d’année 2023, mais cette fois-ci chez Quidam. Pas convaincu par le trop inconsistant Immobilité, j’appréhendais un peu la lecture de L’Antre, craignant une nouvelle déception. Les choix de Quidam n’étant généralement pas anodins, je nourrissais néanmoins un petit espoir de vivre une lecture un peu plus originale. 

Tout d’abord, il faut noter qu’il y a une connexion évidente entre Immobilité et L’Antre. Il est intéressant de lire les deux coup sur coup. Dans les deux ouvrages il est question de cryogénisation, d’un personnage principal confus, plein de doutes et en recherche d’identité, ainsi que d’un monde extérieur devenu dangereux pour l’être humain ou autre bipède de cet ordre. Pour autant, L’Antre est plus court (seulement 110 pages) et l’expérience de lecture toute autre. Mais l’un pourrait, dans une certaine mesure, être la suite de l’autre. Ou bien est-ce juste le fruit de mon imagination ? Quoi qu’il en soit, cette novella de Brian Evenson me paraît définitivement plus intéressante, car plus riche et mieux aboutie. 

L’Antre joue avec nos nerfs. Tortueux, voire franchement labyrinthique, la confusion toujours plus intense et chaotique à laquelle est en proie notre héros, gagne également le lecteur tant elle est efficacement mise en forme. On se sent rapidement pris dans une spirale infernale et un poil anxiogène. X perd pied, ne sachant pas ou plus ce qui il est, et ce qu’il est, en constant dialogue avec lui-même et une machine, il perd ses repères et nous avec. Mais qui est X, à la fin ? Schizophrénique ! Il y a de quoi se sentir tout autant piégé que captivé.

Brian Evenson a une complète maîtrise de son texte et l’exercice, somme toute assez habile, est bel et bien concluant. Difficile de rester indifférent. Que vous aimiez ou non la science-fiction, si tant est que vous appréciez les expériences littéraires singulières, pour ne pas dire aliénantes, L’Antre est pour vous. Aussi court soit-il, ce livre n’est ni expéditif, ni incomplet. Il est intelligemment dosé et tient le lecteur en haleine. Contrairement à Immobilité, L’Antre sort du lot et s’impose comme une curiosité notable. Si vous ne craignez pas de secouer un peu votre cerveau, vous pourriez bien être surpris. 

Brother Jo.

IMMOBILITÉ de Brian Evenson / Rivages

Immobility

Traduction: Jonathan Baillehache

Lorsque vous ouvrez les yeux, vous ne savez plus qui vous êtes ni d’où vous venez. Vous savez que le monde a changé, qu’une catastrophe a détruit tout ce qui existait, et que vous êtes paralysé à partir de la taille. Un individu prétendant être votre ami vous dit que vos services sont requis. Vous voici donc transporté à travers un paysage de ruines, sur le dos de deux hommes en combinaison de protection, vers quelque chose que vous ne comprenez pas et qui pourrait bien finir par vous tuer. Bienvenue dans la vie de Josef Horkaï.

Rien de moins que deux livres de Brian Evenson publiés en France en janvier 2023 et chez deux éditeurs différents. Pour moi qui n’a jamais lu Brian Evenson, et que l’on m’avait déjà par ailleurs plus ou moins bien vendu, c’est une bonne occasion pour le découvrir. Et comme on dirait chez les amateurs de tartes flambées, l’occasion fait le lardon ! Voilà. Ça c’est fait… Maintenant, passons aux choses sérieuses. Des deux ouvrages de l’auteur que sont Immobilité (Rivages) et L’Antre (Quidam), je me suis d’abord attaqué à Immobilité et sa couverture que je trouve assez fascinante. Mais le contenu l’est-il autant ?

On m’a décrit Evenson comme pas bien joyeux, dans ses textes j’entends, du genre à ne pas trop voir la vie en rose. En amateur de littérature égayante, c’est un bon argument pour me pousser à la lecture d’un auteur. Je reconnais qu’ici l’argument est amplement confirmé. Malheureusement, cela ne peut toujours suffire à faire un bon livre. Immobilité peine à me convaincre.

Difficile de trouver un véritable intérêt à cette randonnée post-apocalyptique à dos d’hommes. L’histoire, peu palpitante et relativement prévisible, manque de substance. Il ne se passe pas grand-chose et l’atmosphère de fin du monde est somme toute assez convenue. Ou juste pas assez développée. Ou bien vue et revue ? Si la promenade n’est pas désagréable, dans le sens ou la lecture est facile et rapide, elle ne m’a pas laissé de trace particulière. 

Notre héros, Josef Horkaï, est perclus de doutes tout au long de son aventure. Après avoir été apparemment sorti d’une longue stase, sa mémoire lui fait défaut, ainsi que ses jambes. Envoyé aussitôt en mission – la mission étant de partir du point A, pour aller au point B chercher quelque chose dont il ne sait rien ou peu, et le ramener au point A, aidé par deux « mules » – il se questionne sur tout. Mais disons ce qui est, notre héros est surtout très naïf et ses réflexions lassent assez rapidement. Le résumé dit juste, Josef Horkaï ne comprend pas et c’est bien dommage, on aimerait bien le secouer un petit peu. Je ne vais pas vous divulgâcher le déroulé, sinon vous n’aurez vraiment pas grand-chose à vous mettre sous la dent, mais le fond n’a rien d’une surprise : la vraie catastrophe c’est l’Homme. 

Pas la randonnée la plus passionnante que j’ai connue. Dommage. Les sujets à creuser ne manquaient pas. L’intrigue aurait mérité d’être plus élaborée et la plume un peu plus vive. On est loin du roman qui fera date dans l’univers de la science-fiction post-apocalyptique. Cela reste une petite lecture qui aura peut-être son charme pour certaines et certains, mais assez anecdotique à mon sens. L’Antre, publié chez Quidam, sera-t-il plus concluant ? Réponse après lecture.

Brother Jo.

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