The Savage, Noble Death of Babs Dionne
Traduction: Charles Recoursé

« Waterville, dans le Maine, nord-est des États-Unis. Une ville face à ses fantômes. Désindustrialisation. Effritement de la culture franco-canadienne. Traumatismes des guerres d’Irak et d’Afghanistan. Opiacés. Un cloaque, en somme, dont l’ange gardien s’appelle Babs.
Babs, c’est la boss. Grand-mère adorée et matriarche d’une famille criminelle, elle dirige la petite ville d’une main de fer avec l’aide de ses filles.
Mais lorsqu’un baron de la drogue canadien découvre que ses affaires sont en baisse dans la région, il envoie son médiateur en chef pour régler le problème, dans le sang si nécessaire. Au même moment, la plus jeune fille de Babs disparaît. Elle sera retrouvée vingt-quatre heures plus tard, morte. »
Babs, qui a quitté le Canada à l’adolescence, est partie aux USA dans le Maine pour fuir la justice canadienne après un tragique épisode dont elle parle sans réel état d’âme quand elle est amenée à l’évoquer.
« Les Francos les plus péteux font changer leur nom. Ils tournent le dos aux autres Francos. Sacha, il volait dans le magasin de mon oncle. Je lui ai demandé d’arrêter, alors il m’a violée. Puis je l’ai tué. Fin de l’histoire ».
Forte de cette histoire et de cette première confrontation avec la violence et l’injustice, Babs a créé une petite communauté francophone à Waterville, ville du nord-est des States où Américains pauvres et Canadiens affamés se ruaient depuis le début du vingtième siècle pour trouver un emploi dans un usine à papier et bois, grand employeur régional et gros pourvoyeur de cancers précoces et divers. Little Canada, petite enclave francophone et catho qui s’oppose au monde des WASPs (white anglo-saxon protestant) est une mini société basée sur un matriarcat dirigée par Babs et ses copines sexagénaires qui administrent les affaires et rendent leur propre justice. Les hommes sont inutiles dans le meilleur des cas, dans le pire des cas source inépuisable de malheurs.
Mais depuis les années 80 beaucoup de choses ont changé. Alors qu’à l’époque on ne parlait que français dans Little Canada, il est devenu aujourd’hui très difficile d’y entendre encore vivre la langue de Voltaire. Babs, la soixantaine bien avancée, usée par quatre décennies de combats, sent que son crépuscule est proche. Les nuisibles sont à sa porte, venus pour détruire son petit empire. Babs entend mener la fin du bal et venger la mort d’une de ses deux filles. Elle est l’héritière de ces « Filles du roi », de pauvres Françaises sans avenir, envoyées au Canada pour aider à la colonisation de la Nouvelle France. Elle est le fruit de trois siècles de soumission. Enragée, elle mourra les armes à la main. Et ça va péter…
La mort brutale et admirable de Babs Dionne est un sacré bon roman, bien meilleur que le laisse supposer une couverture particulièrement hideuse et peu porteuse de son réel contenu. On peut et on doit bien sûr l’envisager comme un roman noir puissant, roboratif, un bon « page-turner » mais c’est aussi bien plus. C’est aussi un témoignage sur ces « Francos » qui ont quitté le Québec pour survivre et qui doivent affronter un monde où ils seront toujours considérés comme de la simple main d’œuvre qu’on peut exploiter. Ron Currie envisage cette communauté de Canadiens français comme une minorité opprimée en Amérique pour qui la langue, la culture, les traditions et même la religion seront toujours des étendards à brandir, des boucliers à lever.
Ron Currie a déclaré que le personnage de Babs, hyper dominante et protectrice, était un hommage à sa grand-mère maternelle (francophone), maîtresse femme, adepte elle aussi d’un matriarcat pur et dur, mais qui, elle, ne vendait pas de came, tient-il à préciser… Ce roman et on ne peut que s’en réjouir, est le premier tome d’une trilogie qui reviendra sur l’histoire de Waterville dont est originaire l’auteur.
Mariant avec bonheur l’histoire d’une communauté francophone aux USA et des péripéties où action et réflexion se rejoignent, souvent agrémentée de dialogues et d’un humour particulièrement bien léchés, La mort brutale et admirable de Babs Dionne, assurément La belle surprise de l’automne.
Clete.
Bonjour Clete,
Ma complice Athalie et moi proposons du 15 septembre au 15 novembre une activité consistant à lire sur la ville (en tant que thème ou contexte important de l’intrigue), et il me semble que ce titre y est éligible.
Si tu confirmes, et que tu me le permets bien sûr, je récupérerai ton lien pour l’ajouter au récapitulatif de l’activité.
Bon week-end !
Ce roman conviendra sûrement pour un thème sur la ville et en plus il est très intelligent, plein d’enseignements. Merci pour ta passage Ingannmic.