Mäso – Vtedy na východ
Traduction: Barbora Faure
« Vous les flics, vous êtes de la vermine. Vous n’avez aucune discipline. Ni honneur. Vous êtes comme des pétasses. Vous suivez le premier qui vous paie. D’accord. Mais toi, c’est nous qui t’avons acheté. Tu vas faire ce pour quoi on te paie, fils de pute ! »
Il était une fois dans l’Est se situe à cette frontière un peu floue entre le documentaire et la fiction : fiction les personnages, les situations, la construction du récit. Document(aire) : le no man’s land qu’est devenue une partie de l’Europe Centrale et Orientale suite à la chute des régimes communistes. La corruption endémique cultivée par ces derniers durant la deuxième moitié du 20e siècle s’est enkystée et devenue mortelle après la libération et l’indépendance. L’entrée dans l’Union Européenne n’a malheureusement pas résolu ce problème mais a favorisé le développement d’actions criminelles à travers la facilitation d’échanges avec d’autres pays voisins contaminés par le même fléau.
Pourquoi ? vous demandez-vous. Parce qu’une véritable transition démocratique ne peut s’effectuer qu’en présence d’hommes – ou femmes – intègres et mus par le désir du bien collectif. Chose qui n’est arrivée dans pratiquement aucun des anciens pays du Bloc Soviétique.
« Après quatre-vingt-neuf, les agents du KGB étaient rentrés chez eux, mais les contacts s’étaient maintenus. Lors de l’effondrement de l’Union Soviétique, bien des hommes s’étaient convertis du service secret au business. Et bien plus encore étaient restés dans le service, tout en se lançant dans le business. Quelques privilèges t restaient attachés et l’accès aux informations demeurait acquis. Les types qui n’étaient pas dégoûtés de plonger au fond du cloaque pour récupérer des diamants s’étaient fabuleusement enrichis. Et cela ne gênait pas grand monde. Cela avait toujours été leur travail, mais ce qu’ils faisaient auparavant contre un salaire, ils le faisaient maintenant contre de l’argent. Beaucoup d’argent. »
S’il existe en Slovaquie une personne qui soit parfaitement au fait des agissements de ce monde parallèle – parallèle à l’état de droit, à l’Europe et à la démocratie – il s’agit d’Árpád Soltész, journaliste d’investigation et désormais à la tête du Centre Slovaque pour l’investigation journalistique créé suite au double assassinat en février 2018 de son confrère Jan Kuciak et de sa compagne.
La trame du roman pourrait sembler simple : une jeune fille de 17 ans, Veronika, se fait kidnapper pendant qu’elle fait du stop pour rentrer chez elle. Séquestrée et violée en attendant d’être livrée au boss du marché de la prostitution en Albanie (étant mineure, on ne prendra pas le risque de la mettre sur le marché européen), elle parvient à s’échapper avant la transaction.
Sans le vouloir, sans le savoir et surtout portée par une seule pensée – la vengeance – elle provoque une série de remous au sein du milieu gangréné de la justice, des renseignements (la SIS), des politiques, de la mafia. A ses côtés, avec plus ou moins son accord, les flics Miki, Valent le Barje et Kovak, Pali, le journaliste et Andrea, le procureur.
La construction du roman est un modèle du genre : Il était une fois dans l’Est se mérite et sa forme est aussi complexe que le fond. Alternant passé et présent, la focale peut se déplacer en espace d’un paragraphe changeant de contexte et de personnages. Le style est sobre, efficace. La langue (merci pour la traduction, Barbora Faure !) claque et n’a pas froid aux yeux.
Amateurs de folklore et d’ambiances kitch, passez votre chemin. C’est violent, parfois répugnant, c’est peuplé d’hommes avides de pouvoir, de quartiers pauvres, de villages laissés à l’abandon. C’est le visage d’une certaine Europe, aujourd’hui. Merci infiniment, Árpád Soltész pour votre travail, merci Agullo éditions d’avoir apporté ce texte en France !
Et pour finir, juste ceci : « Bodnar se sent épuisé et résigné. Il connaît les policiers d’ici. Seul l’uniforme les distingue des voyous. Chaque famille a son contrebandier, son douanier, son passeur et son flic. Chacun d’eux soutient sa famille comme il peut. Les uns avec l’argent, les autres par leur pouvoir officiel. »
Bodnar est le père de Veronika. Vous lisez un roman. Cet été, en Roumanie, une jeune fille de 15 ans a été kidnappée et séquestrée pendant qu’elle faisait du stop pour rentrer chez elle. Elle a été assassinée le temps que les flics arrivent sur les lieux (quelques bonnes heures après l’appel qu’elle a passé pour appeler au secours). On sait, à partir de son cas qu’un réseau de trafic humain est implanté dans la région. L’enquête est toujours au point mort.
Monica.
LE polar de la rentrée !
Si tu le dis.Monica, elle aussi, a été très impressionnée.
Enorme!