Chroniques noires et partisanes

Catégorie : Entretiens (Page 8 of 8)

Entretien avec Willy Vlautin

Willy Vlautin a accepté de répondre à mes questions. Vous allez voir, c’est un mec bien.

Mais tout ceci aurait été impossible sans la gentillesse et le professionnalisme des gens d’Albin Michel et surtout sans le travail de traduction des questions et des réponses effectué par Hélène Fournier, traductrice des romans de Willy Vlautin que je remercie infiniment de pallier à mes carences en anglais.

 

 

Leader du groupe alt-country Richmond Fontaine, créateur du groupe the Delines et auteur reconnu de quatre romans dont le tout nouveau « Ballade pour Leroy » chez terres d’Amérique d’Albin Michel, Willy Vlautin le personnage public a plusieurs cordes sympathiques à son arc mais, pour les Français qui vous connaissent moins, qui est l’homme Willy?

C’est gentil à vous de dire tout ça. Qui suis-je ? Si seulement je le savais. J’imagine que nous passons tous notre vie à essayer de savoir qui nous sommes. Avant tout, je suis un fan de littérature et de musique. Quand j’étais petit, je ne savais pas quoi faire. Comment m’approcher encore plus des livres et de la musique ? Impossible de les boire ou de les manger, alors il fallait que je m’en approche. Que j’y plante mon drapeau, et c’est ce que j’ai fait. Je n’étais pas particulièrement talentueux mais j’ai toujours su quel genre d’histoires je voulais raconter. Je voulais raconter des histoires sur le monde ouvrier.

You are the leader of the Richmond Fontaine alt-country band, the creator of the Delines group and the famous author of four novels. As a public figure, you have more than one great strings to your bow but, for the French people who don’t know you very well, who is Willy?

It’s nice of you to say all that. Who am I? Hell I wish I knew. I guess we all spent our lives trying to figure out who we are. I guess more than anything I’m a fan of literature and music. As a kid I loved them both so much that I didn’t know what to do. How could I get closer to them? I couldn’t eat or drink them, I just had to join them. I had to plant my flag on that side of things and so that’s what I did. I didn’t have talent or great ability but I always knew the kinds of stories I wanted to tell. I wanted to tell working class stories.

 

En m’adressant en premier au musicien, j’ai appris que Richmond Fontaine sortait un nouvel album en mars. Est-ce un feu d’artifice final pour une carrière de 20 ans agrémentée par une dizaine d’excellents albums ou juste une nouvelle étape?

En tout cas, ce sera notre dernier album pour un bon bout de temps. Comme nous en sommes tous très satisfaits, nous nous sommes dit que ce serait bien de s’arrêter là. Ca fait un bail qu’on est ensemble et on est restés bons amis. RF a été la meilleure famille que j’aie jamais eue et, par respect, on s’est dit que ce serait bien de s’arrêter sur un album que nous aimons tous énormément. On va partir en tournée jusqu’à la fin de l’année et puis on fera la fête tout un week-end.

I will first address the musician. I heard that there is a Richmond Fontaine album coming out in March. Is it the final fireworks after a 20-year career with around ten great albums or just a new step?

I think at the very least it’ll be our last record for some time. We all feel great about the new record that we figured it would be a good place to stop. It’s been a great run and we’re all still good pals. RF has been the best family I’ve ever had so out of respect for it we thought we would stop on a record we all love. We’ll tour for the rest of the year and then have a week long party.

Vous travaillez conjointement donc sur deux projets musicaux Richmond Fontaine et the Delines que vous avez créé en 2012 et où on peut apprécier la voix si troublante d’Amy Boone, pour quelle raison avez-vous créé ce nouveau groupe à voix féminine? Quand vous écrivez une nouvelle chanson, savez-vous au départ à quelle identité musicale vous la destinez?

Amy est une amie que j’ai rencontrée lors de la tournée qu’elle a faite avec son groupe, The Damnations. Dès que je l’entendais chanter, je me disais : « Oh, j’adorerais faire partie d’un groupe avec un vrai chanteur/une vraie chanteuse. Sa voix est douce, rauque, romantique ». J’ai toujours rêvé de faire partie d’un groupe où je ne serais pas sur le devant de la scène, où je me contenterais d’écrire des chansons et de jouer de la guitare. Mais vous avez raison, j’ai plusieurs casquettes quand j’écris. Pour Amy, j’essaie d’écrire de la musique soul, des mélodies très romantiques que je serais incapable de chanter. Elle est capable de tout chanter. En fait, ça me permet d’avoir une grande liberté pour écrire.

You work on two musical projects, Richmond Fountaine and the Delines that you created in 2012 with Amy Boone’s thrilling voice. Why this new group with a woman’s voice ? When you write a new song, do you know, from the start, to which musical identity you intend it?

Amy is a good friend of mine who I met while touring with her band, The Damnations. When I’d hear her sing I’d say to myself, “Man oh man I’d love to be in a band with a real singer. Her voice is sweet, worn, world weary, and romantic.” I’ve always wanted to be in a band where I was in the back, where I just helped write songs and play guitar. I’ve never had the personality to be comfortable as a front person. But you’re right I do put on different hats when writing. When I write for her I try to write classics, big romantic soul tunes that I could never sing myself. But I always feel she can sing anything and do it well. So in a lot of ways it’s like taking the handcuffs off my writing.

Quelle est pour vous la différence de portée d’un message social envoyé par le biais de la musique par rapport à celui inclus dans un roman? S’adressent-ils tous deux au même public?

Mes chansons sont la bande-son de mes romans. Ils vivent dans le même univers, dans le même pâté de maisons, dans le même immeuble. La plupart de mes romans étaient, à la base, des chansons. Généralement une idée donne lieu à une chanson. Mais il arrive que j’écrive deux ou trois chansons qui se transforment ensuite en roman. Ballade pour Leroy a commencé de cette façon-là.

For you, what is the difference of impact between a social message you send through music and through a novel ? Do they address the same public?

I think mostly that my songs are soundtracks to my novels. They live in the same world, on the same block, in the same apartment building. Most of my novels have started as songs. Usually an idea I have is completed as a song, but once in while it’ll just be the start of the idea. I’ll write two or three songs and then a story and soon it becomes a novel. THE FREE began that way.

Patterson Hood a créé la belle chanson « Pauline Hawkins », présente sur le dernier album de Drive By Truckers en hommage à l’héroïne de votre roman « ballade pour Leroy », ce qui est un bel hommage de la scène musicale alt-country/folk et j’aimerais savoir si dans cette communauté musicale, il existe des groupes dont le talent mériterait d’être reconnu chez nous?

Quand j’ai entendu Pauline Hawkins, j’ai cru que j’avais trouvé un million de dollars sur le trottoir. J’étais fier, fou de joie, et je me sentais tellement chanceux. Patterson Hood est un de mes héros et The Drive By Truckers est le seul groupe dont j’aimerais faire partie. Ça a été un honneur pour moi et je ne l’oublierai jamais.

Patterson Hood wrote the wonderful song – Pauline hawkins – which is part of the Drive By Truckers’ last album, in tribute to The Free’s heroine. This is a great homage of the alt-country/folk music scene and I’d like to know if, among this musical community, there are talented groups that would deserve to be known here in France.

When I heard Pauline Hawkins I felt like I’d just found a million dollars in the middle of the road. I was so damn excited and proud, felt so lucky. Patterson Hood is one of my songwriting heroes and The Drive By Truckers is the only band I wish I was in. So it was a great honor and one I’ll never forget.

Avez-vous choisi d ‘écrire pour mieux raconter vos contemporains surtout les oubliés du rêve américain ou le projet d’écrire a -t-il toujours été en vous?

Jeune, je m’intéressais déjà aux droits des ouvriers. John Steinbeck, l’auteur qui a écrit sur la classe ouvrière américaine, était déjà un héros à mes yeux quand j’étais lycéen. J’avais une photo de lui tout à côté d’une photo de The Jam et de The Who. J’ai grandi dans une région où il y avait beaucoup de paumés et le patron de ma mère a souvent essayé de les embaucher et de les réinsérer. Si bien que j’ai vu des hommes échouer, s’effondrer puis rebondir et s’effondrer à nouveau. Et puis ma mère a fait le même boulot pendant trente ans et a toujours eu peur de se faire virer. Tout ça a eu beaucoup d’impact sur moi et sur ma vision du monde. Les riches contre les pauvres. Les propriétaires contre les travailleurs.

Did you choose to write to be able to depict your contemporaries, especially those who are neglected and unable to fulfil the American dream ? Or have you always had it in you to write?

Even as a kid I was interested in worker’s rights. John Steinbeck, the American working class writer, was a hero of mine even in high-school. I had a picture of him right next to a picture of The Jam and The Who. Where I grew up there were a lot of wayward men, drifters, and my mom’s boss often tried to hire them and re-habilitate them. So I saw how men fail and fall apart and then rebound and then fall apart. I think that had something to do with it, and also my mom worked the same job for 30 years and was always scared of getting fired. She was a bit crazy about that, but even so it had a big impact on me and my ideas of the world. Rich vs. Poor, owners vs. workers. The haves the have nots.

« Ballade pour Leroy » est le premier de vos romans qui ne soit pas un road movie, pourquoi ce changement, avez-vous eu envie de parler des gens que vous côtoyez,de l’Amérique que vous connaissez?

L’idée de fuir en allant jusqu’à la prochaine ville m’a toujours attiré. C’est peut-être lié à la culture cinématographique des Etats-Unis. Petit, je vivais dans les films. J’ai beaucoup réfléchi à cette idée selon laquelle je serai plus heureux dans la ville d’à-côté, que j’y réussirai mieux, et j’ai dû faire beaucoup d’efforts pour m’en défaire. C’est comme une béquille. Ce qui explique peut-être pourquoi j’écris là-dessus. Et puis, aux Etats-Unis, il peut y avoir tellement de solitude et de distance au sein d’une même famille. Dans bon nombre de familles, les parents vivent dans une ville, chaque enfant dans une ville différente, les oncles et tantes dans d’autres villes encore, et les grands-parents aussi. Il y a sans doute là-dedans une certaine part de liberté mais aussi un grand sentiment d’isolement et un appauvrissement de l’idée même de famille. Ça m’a toujours intéressé. Mais dans Ballade pour Leroy, personne n’est libre. Tous les personnages sont coincés. Si bien que je ne les ai pas fait bouger. Le seul qui voyage, c’est Leroy, et il voyage dans sa tête pour fuir.

Unlike your previous novels, The Free is not a road movie. Why this change ? Did you want to talk about people you mix with, about the country you know ?

The idea of escape by leaving to the next town has always been attractive to me. Maybe it’s because of US movie culture. I lived inside movies as a kid. The idea that I’ll be happier and better and more successful in the next town is something I’ve thought a lot about and tried hard to overcome. It’s a crutch. Maybe that’s why I’ve written about it. Also there can be such a loneliness and distance between families in the US. In a lot of families, the mom and dad will live in a town, the kids will live in separate towns, the aunts and uncles in yet different ones, and the grandparents in different ones as well. There’s freedom in that I suppose but also isolation and the breakdown of the idea of family. That’s always interested me. But in THE FREE, everyone in it is the opposite of free. They are stuck. So I didn’t let them move anywhere or really go anywhere. I suppose the only one who travels is Leroy, and he travels in his mind as escape.

En même temps, il existe une continuité avec vos autres écrits puisque le personnage principal est encore une fois un jeune à qui la vie n’a pas réellement souri? Pourquoi un tel attachement à des personnages jeunes et maudits?

Vous avez raison, mes personnages ont souvent une vingtaine d’années et certains sont même plus jeunes. C’est un âge difficile, un âge où, sur bien des plans, vous mettez en place tout votre avenir. J’ai tellement bataillé à cet âge-là. Et j’ai eu bien du mal à m’en sortir. D’où des personnages comme Frank et Jerry Lee dans Motel Life et Allison Johnson dans Plein Nord. Dans ces deux romans, les personnages principaux, qui ont une vingtaine d’années, sont dans un sale état et ils doivent désormais survivre en tant qu’adultes. Dans Cheyenne en automne, ce qui m’intéressait, c’était le sentiment d’impuissance d’un garçon de 15 ans qui avait presque l’âge de conduire et de gagner de l’argent, mais pas tout à fait encore. L’impuissance, l’incapacité à disposer de soi-même. Dans Ballade pour Leroy, c’est différent. Il ne s’agit pas de personnages blessés qui sont en marge de la société. Ils appartiennent à la classe ouvrière, à la classe moyenne, et ils sont perdus. Ils sont happés par la société dans laquelle nous vivons. A travers Carol/Joe, je cherchais moins à parler d’une jeunesse laissée pour compte que de la droite religieuse et de son influence aux Etats-Unis.

At the same time, there is a continuity as the main character is also a young person that life doesn’t treat well? Why this fondness for young and ill-fated people?

You’re right I do write a lot about people in their twenties, sometimes even younger. It’s a hard age, an age where, in a lot of ways, you set up how you will live the rest of your life. I struggled so much in my twenties. I barely made it through. I think that’s why I wrote characters like Frank and Jerry Lee in THE MOTEL LIFE, and Allison Johnson in NORTHLINE. In both those novels the main characters come into their twenties in beat up shape and they have to now survive as adults. In Lean on Pete I was interested in the powerlessness of being a boy, 15 years old, close to being able to driving a car and making money but not quite there. The lack of power, of self-determination. In The Free it’s different. It’s not about wounded people who are fringe people in society. They are working class, middle class people, the best people, who are getting lost in America. Swallowed by it. The idea of Carol/Jo in the novel, was less about disenfranchised youth as it was about the religious right and its influence in America.

Entre l’histoire de l’envoi de la garde nationale en Irak, le système de santé américain, le surendettement des ménages, la descente vers la marginalisation de gens des classes moyennes, tous ces thèmes évoqués dans le roman pour montrer la détresse de la population ne sonnent-ils pas comme des messages très significatifs envoyés aux dirigeants des USA? Êtes-vous impliqué politiquement?

Ce roman est le plus politique que j’ai jamais écrit. Le titre, The Free, fait référence à notre hymne national. Notre intervention en Afghanistan et en Irak de même que notre système de santé m’affectaient beaucoup, m’empêchaient de dormir si bien que j’ai commencé à écrire sur le sujet et Ballade pour Leroy est né ainsi. C’est dans mes romans que je pense être le plus à même d’aider politiquement et c’est donc là que je concentre toute mon énergie.

In The Free, there are various themes showing people’s distress – the National Guard sent to Iraq, the American health system, the debt burden, the middle-class’s marginalization. Are they very significant messages sent to the leaders of your country ? Are you politically involved ?

This novel is my most political novel. The title THE FREE comes from the US national anthem. I was deeply upset over our involvement in Afghanistan and Iraq, and well as our health system. Both of these issues wouldn’t leave me alone, they’d wake me up at night so I began writing about them and THE FREE came from that. Politically I think the best help I can be is in my novels so I focus my political ideas and energy into them.

Où trouvez-vous votre matériau pour l’écriture? Avez-vous rencontré des gens extraordinaires comme Pauline, Leroy et Freddie?

J’admire les infirmières, je suis sorti avec une infirmière pendant environ deux ans, d’où le personnage de Pauline. J’ai toujours voulu leur rendre hommage à travers l’écriture. C’est l’un de mes objectifs en tant que romancier. J’ai aussi voulu écrire sur ce que vivent les soldats de la garde nationale, sur l’injustice de leur sort. Je me suis toujours fermement opposé à notre intervention en Afghanistan et en Irak. D’où le personnage de Leroy. Quant à Freddie, il représente la classe ouvrière. C’est un homme honnête et bon mais il est tellement mis sous pression qu’il en arrive à enfreindre la loi. Par ailleurs, j’ai été peintre en bâtiment pendant douze ans.

Where do you find your material to write ? Have you met extraordinary people like Paulin, Leroy or Freddie ?

I admire nurses and I went out with a nurse for a couple years so that’s where Pauline came from. I’ve always wanted to write a tribute to nurses. It’s been one of my goals as a novelist. As for Leroy, I wanted to write about, in my own way, the struggle of the United States National Guard soldiers. I’ve always been dead set against our involvement in Afghanistan and Iraq and the National Guard soldiers took an unfair role in my opinion. That’s where Leroy came from. And Freddie, he’s the working class. He’s an honest and good man who’s under such duress he breaks the law. I was a house painter for 12 years and that’s where he came from.

Elmore Leonard a dit que si on écoutait une chanson country à l’envers, votre femme ne vous avait pas quitté, vous n’aviez plus perdu votre job, votre pick-up n’était plus tombé en panne et votre chien n’était plus mort. Pour vous, peut-on qualifier « Ballade pour Leroy » de chanson country, quel est le roman que vous avez vraiment voulu écrire?

Ballade pour Leroy est plutôt une chanson folk politique et enragée. Dans la veine de Bob Dylan et de Woody Guthrie. Motel Life est plutôt une chanson country, Plein Nord une ballade triste et romantique et Cheyenne en automne une chanson folk.

A country song is usually sad. Is The Free a country song?

I think of THE FREE as more of an angry political folk song. In the vein of Bob Dylan and Woody Guthrie. I see The Motel Life as a country song, NORTHLINE- a long sad romantic ballad, and Lean on Pete- a traditional story folk song.

Quel est pour vous le morceau, la musique qui collerait le mieux avec « Ballade pour Leroy »?

Ah, c’est une question difficile. Je n’y ai jamais réfléchi ! Au moment où je vous écris, je dirais une chanson de Drive By Truckers ou peut-être de Woodie Guthrie

For you, what would be the music, the piece of music, that would go well with The Free?

Ha what a question. I’ve never thought about this! This morning, right now, I think THE FREE does feel like a Drive By Truckers song or maybe a Woodie Guthrie song.

 

Thank you so much Willy!

Wollanup.

Entretien réalisé par mail en février 2016.

MON AMÉRIQUE À MOI / Emmanuel Tellier

Premier entretien donc, Emmanuel Tellier qui a réussi à mener deux carrières différentes et cloisonnées. Journaliste connu des amateurs de rock, il m’a souvent comblé par ses critiques et ses interviews pour les Inrocks à une époque où il fallait bien croire ce que nous chantaient les critiques et aucun doute, on pouvait lui faire confiance sur le produit vanté. Emmanuel Tellier a donc interviewé Kurt Cobain, rencontré les Beastie Boys…vécu tout ce grand cirque de la scène rock internationale, a ensuite été rédacteur en chef à Télérama de 2006 à 2011 pour finalement redevenir reporter.
Parallèlement Emmanuel Tellier est un musicien accompli et il le prouve au sein de ses groupes dont je ne citerai que Chelsea, il y a vingt ans et 49 Swimming Poools sa formation du moment. Emmanuel Tellier crée une pop magnifique, racée et précieuse avec beaucoup d’influences anglo-saxonnes (Mercury Rev, Devendra Banhart, Sparklehorse…) et nul doute que s’il était né dans le Nevada au lieu du Val d’Oise, il serait une énorme star internationale.

Je savais Emmanuel Tellier brillant mais en voici une preuve supplémentaire dans ce petit entretien.J’epère que vous apprécierez autant que moi l’Amérique d’Emmanuel.

***

Première prise de conscience d’une attirance pour l’Amérique ?
Je pense que c’était West Side Story, au cinéma. J’ai grandi à Tours, une ville avec plusieurs salles intéressantes et très actives côté cinéphilie. Je pense que je l’ai vu vers 13 ou 14 ans, donc vers 1980. Le film étant du début des sixties, je l’avais évidemment trouvé assez vieillot, et je n’avais pas été très sensible aux chansons. Mais j’avais adoré les plans de New York, les terrains de jeux, les grillages, le bas des immeubles.
En 1984, Paris Texas a aussi été un choc. L’Amérique ennuyeuse, banale, séduisante graphiquement, mais assez vide de sens, ça me parlait beaucoup et m’attirait.

Une image
Mohamed Ali – pas tant pour la photo elle-même, mais pour le génie d’Ali dans son ensemble. Sa force de vie époustouflante, la radicalité de ses choix (comme le refus d’aller au Vietnam), sa présence face aux caméras, aux journalistes…
Pour moi, il est la plus grande rock star de tous les temps.

 

Un roman
The Great Gatsby

Un auteur
F. Scott Fitzgerald

Un film
La Poursuite impitoyable d’Arthur Penn. Pour moi, il y a tout le souffle du cinéma américain dans ce film.

Un réalisateur
Martin Scorsese. Non seulement un « metteur en scène » (au sens littéral) d’une précision et puissance inouïes, mais aussi un type généreux, obsédé par l’idée du partage, de la transmission (voir ses documentaires).

Un disque
Forever changes, de Love

Un musicien ou un groupe
Sparklehorse

Un personnage de fiction
Charlot

Un personnage historique
L’historien Howard Zinn. Son travail de recherche sur la « vraie histoire » des USA a été (et reste) d’une importance essentielle. Je suis particulièrement sensible aux recherches passages sur les luttes syndicales (très violentes) aux US, par exemple à Lawrence en 1912.

Une personnalité actuelle
Ken Sanders, un type fabuleux (libraire et plein d’autres choses) à Salt Lake City. Un héros pour sa passion et connaissance de la contre-culture US. Je suis aussi avec intérêt le travail militant de Tim de Christopher (Bidder 70).

Une ville, une région
Le sud de l’Utah et les parcs nationaux (Bryce, Zion, Arches…)

Un souvenir, une anecdote
J’en ai beaucoup… J’aime voir les lieux qui m’intéressent au plus près et sous toutes les coutures, et suis capable de passer des heures à localiser des adresses précises, pas forcément référencées, concernant des gens plus ou moins connus (leur adresse, là où ils travaillaient, là ils enregistraient pour des groupes que j’aime). J’ai beaucoup de souvenirs de cet ordre à New York (par exemple liés au Velvet Underground), à Chicago (par exemple liés à Frank Lloyd Wright), à San Francisco, à LA, ou encore à Rochester où j’ai adoré chercher les traces de George Eastman (génie absolu).

Le meilleur de l’Amérique
Son sens graphique. C’est un pays qui a de la gueule. J’aime la signalétique américaine, les codes visuels du pays, son « allure » générale ( architecture et au-delà). Le tout si bien montré par Ed Ruscha comme par Dennis Hopper, et bien sûr Scorsese, Coppola, Cimino, Diane Arbus, William Klein…

Le pire de l’Amérique
Donald Trump.
Le nombre d’armes à feu en circulation, et le fait que les gens qui les possèdent ne se rendent pas comptent du problème.
Dans l’histoire : les crimes immondes contre les populations indiennes.

Un voeu, une envie…
Avec 49 Swimming Pools, on travaille sur un grand projet multi-formes autour d’une histoire américaine, on vous en dira plus prochainement.

Merci à Emmanuel.

Février 2016.

MON AMÉRIQUE À MOI… entretiens

C’est juste parti d’une idée d’en savoir un peu plus sur la part « américaine » de certains acteurs culturels français, de mieux saisir la fascination que ce continent exerce sur nous.Interroger ces gens auteurs, éditeurs, musiciens, cinéastes, journalistes qui, au fond d’eux, ont gardé bien enfouie ou pas mais parfaitement perceptible l’image du Cowboy qu’ils jouaient dans leur enfance, la philosophie de l’Indien qu’ils incarnaient dans leurs périples dans les bois. J’ai donc envoyé un petit questionnaire à des personnes que j’aime voire que j’admire pour en savoir un peu plus sur leur côté ricain revendiqué ou pas, assumé ou pas mais évident quand on connaît leur parcours. J’ai déjà obtenu des réponses, brillantes, je ne m’adresse pas à des nazes non plus et la passion de ces gens viendra, de temps en temps, éclairer le déjà gros côté ricain du site. On commence sous peu. Enjoy!

Wollanup.

PS: si certains savent comment joindre Mathias Malzieu, Philippe Labro, Bertrand Tavernier, H-Burns, je suis preneur.

Entretien avec AHMED TIAB à propos de « le Français de Roseville » chez l’Aube.

Ahmed Tiab est l’auteur d’un premier roman « le Français de Roseville » édité par les éditions de l’Aube paru ce mois de janvier qui m’a plu pour cette découverte de la ville d’Oran à diverses époques contemporaines et aussi pour son héros le commissaire Kémal Fadil personnage humain et dont le comportement nous fait espérer une suite. Voulant en savoir un peu plus sur cet auteur, j’ai posé quelques questions à Ahmed Tiab.

Votre présentation par l’éditeur est très brève et vous ne laissez que très peu de traces sur le net, alors qui êtes-vous Ahmed Tiab?

Difficile de dire qui on est. Le plus simple serait de vous dire que je suis né à Oran en 1965 et que je vis en France depuis 1990. A l’école primaire, j’ai appris le français, j’ai donc depuis le début vécu sous les deux cultures. J’ai fait différents métiers avant de devenir enseignant contractuel . J’insiste souvent sur ce dernier qualificatif car il ne m’enferme pas dans ce métier. J’aime avoir le choix ainsi que la liberté de changer pour continuer à aimer ce que fais. Aujourd’hui j’aime enseigner les langues étrangères, j’aime écrire.

Comment vient-on à l’écriture? Quel est le moment déclencheur?

Mon élément déclencheur pour le premier roman fut le visionnage d’un documentaire sur la rénovation du quartier de la Marine à Oran sur internet. Le réalisateur interrogeait des vieux sur la vie du quartier d’avant. Ils donnèrent tous une version plus humaine de la coexistence difficile certes, entre arabes, français et espagnols à Oran. J’aimais le côté bienveillant de leur récit. En Algérie l’histoire officielle, avec un grand H, est extrêmement cadrée. Trop peut-être.

Comment définiriez-vous votre roman, de façon plus précise que sur la quatrième de couverture ? Est-ce seulement un polar pour vous? Ou ce genre a-t-il juste été un instrument pour parler d’autre chose?

Je pense que l’intrigue polar me sert de prétexte pour parler des travers de la société que j’ai connue. J’avais envie de rendre certaines choses plus simples, voire banales. Décharger les vivants des héritages parfois trop lourds, qui empêchent d’avancer. Chercher l’apaisement et laisser penser que le bonheur du moment n’a que faire de l’histoire, ni de la vérité, fut-elle cruelle.

Votre roman est une ode à Oran, quelques mots amoureux pour décrire votre ville natale?

Je pense que cette ville a été jetée en pâture à l’incompétence générale. Elle mérite d’être élevée au rang de capitale Méditerranéenne comme Barcelone, Marseille ou Beyrouth qui après des décennies de guerre, fleurit pourtant à nouveau intellectuellement et artistiquement.

Pour quelle raison avez-vous quitté l’Algérie en 1990?

J’ai vécu les prémices de l’arrivée des islamistes dans le pays. Je ne voulais pas vivre dans une boîte noire. Claustrophobie.

Vous êtes un observateur et en même temps un acteur de la société française depuis 25 ans. Votre opinion du pays a-t-elle évolué depuis votre arrivée en France, avez-vous remarqué des mutations?

Énormes ! La mondialisation est passée par là. La ville est aujourd’hui surpeuplée (exode rural) et ses murs sont détériorés. L’infrastructure n’a guère évolué et les bidonvilles continuent à fleurir. A croire que la rente gazière, ce n’était que du… vent, justement.

Vous êtes enseignant et vous avez dû échanger avec vos élèves sur les attentats de janvier et de novembre. Comment, avec vos origines et votre confession (Commentaire: si vous n’êtes pas musulman, ce que j’ignore, comment avec les à-priori qui se sont créés en France sur les musulmans, les Arabes et particulièrement les Algériens, vous, au cœur du débat, de façon fortuite, avez-vous pu faire cet effort pédagogique demandé par le ministère) avez-vous traité ces événements?

Non. J’ai préféré laisser aux professeurs d’éducation civique qui sauraient intégrer l’élément dans leurs cours de façon naturelle. J’interviens pour ma discipline pour rappeler les grands principes républicains et la notion de liberté d’expression et de démocratie en des circonstances précises : guerre d’Espagne, Chili 1973, Argentine, Churchill, WWII etc …

Vous semblez bien connaître la société algérienne actuelle et ses problèmes que vous évoquez dans votre roman, retournez-vous souvent à Oran, avez-vous le souhait de retourner y vivre?

J’y retourne tous les deux ans environ. Mon pays c’est là où je vis. Je suis Français, mes enfants aussi. Mes amis, mes passions, mon jazz.

Quels sont vos auteurs favoris, lesquels vous ont donné envie d’écrire, quels auteurs algériens faut-il connaître ?

Je lis de tout. J’aime particulièrement Camus, Amine Maalouf et bien d’autres. Les algériens, il y a Djaout, Feraoun, Yacine, plus proche de nous il y a, Khadra et Maissa Bey.

Et bien sûr, quelle est la question que j’ai oubliée de vous poser ? avec la réponse évidemment ! Tout en vous remerciant de votre disponibilité.

De quoi parlera le deuxième opus « Le désert ou la mer » ?

Vous aurez la réponse en Avril.

C’est moi qui vous remercie pour vos encouragements.

Sans titre 3

Entretien réalisé par mail entre le 24 et le 26 janvier 2016.

Wollanup

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