Traduction : Olivier Colette.
Shawn Vestal, éditorialiste pour The Spokesman-Review s’est fait connaître par un recueil de nouvelles qui lui a valu un prix mais n’est pas traduit en France. « Goodbye Loretta » est son premier roman.
« Short Creek, Arizona, 1974. Loretta, quinze ans, vit au sein d’une communauté de mormons fondamentalistes et polygames. Le jour, elle se plie à l’austérité des siens, la nuit, elle fait le mur et retrouve son petit ami. Pour mettre un terme à ses escapades nocturnes, ses parents la marient de force à Dean Harder, qui a trente ans de plus qu’elle, une première femme et déjà sept enfants…
Loretta se glisse tant bien que mal dans son rôle d’ « épouse-sœur », mais continue à rêver d’une autre vie, qu’elle ne connaît qu’à travers les magazines. La chance se présente finalement sous les traits de Jason, le neveu de Dean, fan de Led Zeppelin et du Seigneur des anneaux, qui voue un culte au cascadeur Evel Knievel. C’est le début d’une aventure mémorable aux allures de road trip vers la liberté qui va vite se heurter à la réalité… »
Entre l’Arizona où vit la communauté polygame de Loretta et l’Idaho où vit celle de Jason, moins extrémiste mais tout de même très rigoriste, Shawn Vestal nous entraîne chez les mormons, secte très présente dans les états de l’Ouest. Il connaît bien cette Amérique puritaine puisqu’il a lui-même grandi dans une famille mormone et il lui porte un regard acéré, réaliste et ironique. Shawn Vestal ponctue son récit d’interventions d’Evel Knievel s’adressant à l’Amérique. Ce cascadeur, célèbre dans les années 70 est le symbole du mythe américain de la réussite tonitruante, de l’audace, de l’esbroufe et l’idole de Jason.
Ses personnages sont crédibles, bien campés, Shawn Vestal les suit sur quelques mois de 1975 avec deux ou trois incursions dans leur passé et leurs démêlés avec les fédéraux. Il y a de beaux salauds, parmi lesquels Dean le mari de Loretta, Tartuffe écœurant que ses croyances autorisent à violer une gamine de seize ans en toute bonne conscience, car, bien évidemment et comme dans toutes les religions, plus on est fondamentaliste, plus ce sont les femmes qui trinquent ! Et il y a les ados pour lesquels, même si l’auteur ne se départit pas de son ironie, on ressent une certaine tendresse : Jason, fan de rock qui étouffe sous le poids des principes rigides de ses parents, son ami Boyd, fils d’une mère alcoolique et d’un inconnu qu’il pense Indien et Loretta bien sûr, personnage très fort, sans beaucoup d’illusions sur le monde.
Puis vient la fuite et on glisse vers un road trip coloré et périlleux au sein de l’Amérique des années 70, le dernier et principal rite d’initiation, l’espoir d’une vie libérée du carcan de l’éducation et de la religion.
Un très bon roman.
Raccoon.
Commentaires récents