Cholet, Maine-et-Loire. Elliot, bientôt trente ans, revient chercher du travail dans la ville de son enfance et s’installe en périphérie, dans la maison vide de son grand-père. Lulu, bientôt soixante ans, est employée de caisse chez Carrefour. Ils vont se lier d’amitié.

La rentrée littéraire se passe aussi du côté de chez Asphalte. Entre autres sorties, voici Plexiglas, le nouveau roman de l’écrivain Antoine Philias, à qui l’on doit déjà Home Sweet Home (2019, L’école des loisirs) coécrit avec Alice Zeniter, ainsi que Stéréo publié en 2021 (Les équateurs).

Bienvenue à Cholet, ville comme il y en a tant en France, avec sa zone commerciale et ses gens qui la font vivre. Nous sommes en 2020, une année qui débute de façon plus ou moins ordinaire mais qui sera finalement bien singulière avec l’arrivée de la Covid. C’est dans ce contexte qu’une amitié nouvelle bourgeonne entre deux êtres. Il y a tout d’abord Elliot, blessé sur une manifestation contre la réforme des retraites, qui revient en terre natale, au chômage, homosexuel en quête de sa future moitié mais pour l’instant très seul, hantant la maison vide de son grand-père au crépuscule de sa vie. Et il y a Lulu, caissière chez Carrefour, dont le mari n’est plus de ce monde et dont le fils a quitté le nid familial pour gagner Paris, qui tente tant bien que mal de rester alerte aux maux qui traversent notre société, et qui se retrouve en première ligne au travail alors que le monde se confine. Elle aussi est en proie à une certaine solitude mais garde le cap.

Sur une durée d’un an, rythmée par les discours de Macron et les opérations commerciales de Carrefour, on assiste au rapprochement de Lulu et Elliot dans un monde qui ne tourne plus rond et auquel ils ne pourront malheureusement rien changer. Autour d’eux gravite tout un microcosme fait, pour beaucoup, de petites gens avec leurs galères et leurs opinions qui évoluent tous dans la même société consumériste. Une galerie de personnages, de travailleuses et travailleurs généralement au bas de l’échelle sociale, qui cumulent désillusions et déceptions dans un marasme politique, local comme national, où se révèlent des idées et idéaux contrastés. 

Dans une intimité bienveillante et réaliste, avec tendresse et non sans humour, Antoine Philias nous raconte la France du quotidien, du point de vue de ceux que l’on oublie souvent. Ici point de grande histoire, d’intrigue folle ou que sais-je, mais un instantané de notre monde qui brille avant tout par sa véracité. On voit défiler les absurdités du quotidien autant que les moments plus lumineux.

Ecrit dans une langue très orale, sur un ton un poil caustique, Plexiglas est un roman honnête et concret. Antoine Philias nous immerge avec justesse dans la réalité des classes populaires françaises. Un peu comme si Gustave Kervern et Benoît Delépine avaient fait un livre plutôt qu’un film.  

Brother Jo.