Traduction: David Fauquemberg.
Après la déception Nesbo, revoici du plaisir, presqu’à l’égal de celui rencontré avec Bull Mountain, avec ce premier roman (vraiment?) de Leye Adelene « Lagos lady ». L’action de ce roman explosif se situe au Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique, à Lagos ville la plus peuplée du continent et sur Victoria Island, refuge des riches nantis du pays où flottent les effluves des parfums de luxe, au milieu des bouteilles de champagne millésimées, parmi les magouilles les plus crapuleuses des plus pourris du pays et des alentours, l’argent sale, la magie noire.
« Mauvaise idée de sortir seul quand on est blanc et qu’on ne connaît rien ni personne à Lagos ; Guy Collins l’apprend à ses dépens, juste devant le Ronnie’s, où il découvre avec la foule effarée le corps d’une prostituée aux seins coupés. En bon journaliste, il aime les scoops, mais celui-là risque bien de lui coûter cher : la police l’embarque et le boucle dans une cellule surpeuplée, en attendant de statuer sur son sort.
Le sort, c’est Amaka, une splendide Nigériane, ange gardien des filles de la rue, qui, le prenant pour un reporter de la bbc, lui sauve la mise, à condition qu’il enquête sur cette vague d’assassinats. Entraîné dans une sombre histoire de juju, la sorcellerie du cru, notre journaliste à la manque se demande ce qu’il est venu faire dans cette galère, tandis qu’Amaka mène la danse en épatante femme d’action au milieu des notables pervers. »
Pour plusieurs raisons, vous avez ici un roman remarquable, immanquable (je sais encore mais on ne va pas se plaindre non plus) et je serais surpris que les vrais connaisseurs puissent trouver des défauts graves à ce premier roman qui aura sûrement une suite que j’attends déjà fiévreusement.
Offrez-vous donc un voyage au Nigéria sans risques car la lecture de l’histoire pourrait vous ôter toute velléité d’aller visiter le pays, je vous le garantis et même si l’auteur, nigérian,a sûrement noirci le tableau, il subsistera toujours le doute et je n’ai donc personnellement aucune envie d’avoir la moindre relation avec la police locale. Pour le profane sur cette région du globe, les péripéties de « Lagos lady » donnent une image du fonctionnement de cette région à dominante catholique dans un pays où les chrétiens au sud et les musulmans au nord sont en nombre à peu près égal. Guy Collins découvre ainsi avec effarement ce monde très éloigné de son microcosme londonien à la manière du héros du premier roman de William Boyd « un Anglais sous les tropiques ». La comparaison s’arrêtera très rapidement avec la découverte d’un cadavre dans une rue où Guy a décidé de s’encanailler dans un bar et comme il est apprenti-journaliste il ne peut s’empêcher d’aller y jeter un oeil et ce sera le début de ses malheurs et ils seront nombreux et nerveusement ébranlants. Loin de la carte postale écrite après des recherches sur Internet, Leye Adenle, originaire de la ville et vivant maintenant en Angleterre nous fait découvrir le coeur de la criminalité de Lagos, ses multiples entrées sur un rythme effréné pendant 150 pages initiales furieuses où la lie des crapules de Lagos, les salopards friqués et les pauvres tarés qui se voient grands proposent avec l’aide de flics psychopathes un scénario d’horreur et de violence car « Lagos Lady » est un vrai polar qui secoue gravement et vous laisse parfois stupéfait par tant de cruauté et de barbarie.
« Lagos lady » est aussi un immense plaidoyer pour la femme nigériane considérée comme une poupée dans le meilleur des cas et comme un bien consommable dans la plupart des cas. Par l’enquête menée dans les milieux de la prostitution, l’index est mis sur la misère de la femme de la région et le peu de choix de survie offerts aux filles mal nées. Tout ce réquisitoire trouve son sommet autour de l’énigmatique et magique Amaka, la Lagos Lady. Ce titre français oriente la lecture du roman vers l’aura de la mystérieuse nigériane alors que le titre original faisait plus référence au « very bad trip » de Guy.
Le bonheur de ce roman,c’est aussi le magnifique humour qu’on retrouve tout au long de sa lecture, un humour forcément très noir et heureusement roboratif pour affronter certaines scènes tendues. Les truands dangereux de bas étage rencontrés forment une cour des miracles lamentable mais franchement hilarante tant leurs stratagèmes et leur suffisance souffrent de leur intelligence, disons, médiocre. Vous n’oublierez pas de sitôt les tarés Knock Out, Go Slow, Catch Fire, Hot-Temper…
On peut comparer ce roman au cinéma de Tarantino dans les nombreuses scènes hallucinées qui peuplent ces 48 heures de délire mais ce roman vaut bien plus que cela et on doit aussi le voir comme un bel essai de défense de la femme africaine à la merci de la puissance des hommes.
Halluciné et hallucinant!
Wollanup.
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