Traduction: Isabel Siklodi et Gilles Marie

“Natalio est un classe 5, les flics les plus méprisés de la City, chargés d’éliminer discrètement les dissidents. Suite à un accident, il doit se procurer un nouvel « électroquant », robot d’apparence plus ou moins humaine qui lui sert d’assistant. Fauché, il se rabat sur un vieux modèle bas de gamme qui se distingue rapidement par l’inquiétante étrangeté de ses expressions et de ses réactions. Mais Natalio n’a pas le temps de s’interroger sur ces anomalies : il a un nouveau cas à résoudre. Une intrusion a eu lieu dans une de ces usines à rêves où se réfugient tant d’habitants de la City pour échapper à leurs vies misérables. Et des résultats lui sont demandés au plus vite…”

Boris Quercia est l’auteur d’une trilogie magistrale autour d’un personnage de flic Santiago Quiñones, sévissant, dans les affres de l’alcool et de la came, à Santiago du Chili et dont le second volume, “Tant de chiens” fut récompensé du grand prix de la littérature policière en 2016. Chez les lecteurs fidèles, la disparition de Santiago, cabossé et usé, fut un choc en même temps qu’un sujet d’inquiétude. Quel serait le futur de l’auteur, visiblement lassé de raconter la délinquance chilienne?

Dès les premières lignes de “les rêves qui nous restent”, on est très vite rassurés même si Quercia change d’univers littéraire en passant à de la SF qui parfois inquiète le lecteur pur et dur de polars. Son nouveau héros, Natalio est aussi un flic, aussi triste, solitaire et désespéré que Santiago, les médocs, la came et l’alcool en moins… d’où aussi un plus grand  discernement vis à vis des événements terribles qui l’entourent.

L’éditeur souligne que Quercia nous projette dans un futur digne d’un Philip K. Dick et cela est très rassurant pour les non adeptes de la SF, les univers créés par Dick étant souvent très proches du nôtre, facilement compréhensibles, assimilables sans migraine. D’un autre côté, les termes cités par l’éditeur sont peut-être un peu ambitieux, Quercia se contentant de créer un théâtre très proche du “Blade Runner” de Ridley Scott, auquel, il a ajouté certains éléments marquants des films “Soleil vert” de Richard Fleischer et “New York 1997 de John Carpenter. Tout cet environnement très connu de tous permet à Quercia de faire l’impasse sur des descriptions et des explications qui ralentiraient le récit et autorise le lecteur à se créer un peu son propre décor, ses propres images. Déjà, dans sa première trilogie, les éléments sur la ville étaient bien souvent négligés, on est donc en terrain connu, Quercia voulant juste créer une ambiance de doute, de peur, d’angoisse très funeste autour de son héros. L’intrigue policière n’est pas réellement frappante, l’histoire se contentant essentiellement de bien suivre les pérégrinations du chemin de croix de Natalio comme autrefois avec Santiago. 

Boris Quercia est le genre d’auteur qui vous attrape dès le début d’un roman pour vous abandonner décomposé à la dernière ligne. L’écriture de Quercia, toute simple, toute ordinaire est néanmoins une arme de destruction massive de tout premier plan puisque on s’engage très rapidement aux côtés de ce flic qui lutte pour sa survie. Par rapport à ses derniers écrits, il faut aussi noter que l’affectivité est surdéveloppée dans le sens où Boris Quercia, et ce n’est pas une mince affaire, arrive à créer de l’empathie voire de la tendresse pour une machine, un robot…

Les fans de Quercia et de Santiago Quiñones bien sûr replongeront avec délice dans ses univers glauques où chacun tente de survivre et les nouveaux lecteurs comprendront très vite que la SF est juste un support pour créer un cadre noirissime dans lequel se débat un Natalio au bord de l’abîme et qu’on suit jusqu’au bout de l’ignominie.

Béton!

Clete.