Traduction: Marianne Million.
Ecrire des articles est un atout, car cela nous permet, d’une part de lire des romans et d’autre part, importante, de mettre nos aprioris de côté. Après la contre-nature des choses, nous partons en Espagne en compagnie de José Carlos Somoza, auteur prolifique, avec Le mystère Croatoan. C’est un roman apocalyptique qui semble réel.
“Des colonies d’invertébrés et d’humains rampent et marchent, inexorablement unis en un seul corps, à travers villes et forêts. Toute vie rencontrée est agglomérée ou détruite. Avant de se donner la mort, un scientifique, spécialisé dans le comportement des espèces animales, a programmé à l’intention de ses proches un message qui pourrait permettre de changer le cours de ces événements terribles qui semblent signer la disparition de toute forme de civilisation. Sauront-ils le décrypter ?”
Le Mystère Croatoan surfe sur la vague de ces grandes énigmes auxquelles l’Homme est confronté, telle que le mystère du col Dyatlov. Le roman de Somoza trouve son intrigue dans un évènement ayant réellement eu lieu, entre autres les disparus de l’île de Roanoke.
Environ quatre siècles auparavant, en août 1590, plus de cent trente colons de l’île de Roanoke, dans l’actuelle Caroline du Nord, se volatilisèrent.Mais dans ce dernier cas, on fit une découverte supplémentaire. Sur un tronc d’arbre à proximité du village, quelqu’un avait gravé un mot : CROATOAN.
Ainsi, l’auteur, brillant, va imaginer une explication à ce phénomène de disparition dans un roman aux apparences de fin du monde. Et on y croit !
Il s’avère difficile de parler de ce roman sans dévoiler sa fin. Et je refuse de gâcher cette surprise qui vous fera frissonner. Bien que l’explication donnée (nous sommes dans un roman) soit impossible, on ne peut s’empêcher de penser : « espérons que cela ne nous arrive pas ».
Un roman où la science est en lutte contre la nature. Le CROATOAN est un pic, une conjonction où tous les êtres vivants se retrouveront en un groupe cohérent et soudé. Ils s’ engageront alors dans une sorte de transhumance. Le mot zombie ne correspond pas, bien que certaines espèces se dévorent ; je parlerais plutôt de marionnettes guidées par la force invisible de la nature. Ainsi, nous avons droit à des images malaisantes, qui en deviennent terrifiantes. Des corps qui avancent sans but, comme éteints. D’autres qui grimpent aux arbres, nus comme des animaux, une image marquante et nauséeuse de vivants qui semblent s’accoupler. Ce sont des amas de corps aux cerveaux absents. C’est la fin de l’individualisme et de la terreur humaine.
Bien évidemment, cet univers apocalyptique compte son lot de survivants. Ces personnages n’échappent pas à la règle du stéréotype, mais heureusement sans être dérangeants. Ces personnages sont des êtres ordinaires qui seront cueillis par le destin, c’est-à-dire Mendel, imminent scientifique. D’ailleurs, ils sont tous liés, de près ou de loin, à cet homme de science. Nico est peintre. Sergi et Fatima des « fous » ou junkies. Dino, lui, est le gentil gros Italien que l’on retrouve dans beaucoup de jeux, films, romans du genre survivants. Et bien sûr il y a Carmela, l’héroïne, brillante éthologue. Ces évènements tragiques seront pour elle un parcours initiatique. Et pour Borja c’est une autre histoire, ce type est une ordure à qui on souhaiterait couper les couilles. Même dans les instants de crise, il y a toujours un emmerdeur ! Bref, ce sont des personnages en proie à la terreur, armés de la même arme que les marcheurs déshumanisés, c’est-à-dire le groupe.
Le Mystère Croatoan : ses fantastiques personnages et ses merveilleuses images noires – j’ai été happé !
Bison d’Or.
Commentaires récents