Chroniques noires et partisanes

Étiquette : joseph kanon

MOSCOU 61 de Joseph Kanon / Le seuil.

Traduction: Lazare Bitoun.

Si vous aimez les romans d’espionnage plein d’actions, à la James Bond, passez votre chemin, par contre, si vous appréciez les histoires d’espionnage qui prennent leur temps pour poser les personnages, qui ont une narration assez lente, une intrigue assez complexe, une ambiance paranoïaque foncez. Oui, le livre peut paraître lent mais en fait, chaque phrase, chaque action, chaque pas, chaque parole a son importance dans ce livre.

Simon et Franck sont deux frères, américains, qui ont travaillé pour l’OSS pendant la guerre et se retrouvent naturellement à la CIA en 1945. Mais Franck est un agent double. Il est recruté par les Russes et exfiltré avec sa femme. Simon devient alors persona non grata au sein de la CIA, il quitte ses fonctions et devient éditeur.

Des années plus tard, Franck veut écrire ses mémoires et les faire éditer aux Etats-Unis par son frère. Simon est donc invité par les Russes, pour travailler avec Franck sur le manuscrit. Il n’a pas revu ni eu de nouvelles de son frère depuis que ce dernier est parti à l’est. Comment cette rencontre va-t-elle se passer, que lui veut réellement Franck qui n’a pas hésité à trahir son pays et sa famille ?

Nous nous retrouvons donc transportés de l’autre côté du rideau de fer, dans un Moscou des années 60, à suivre un pur Américain venu retrouver son frère. Sa femme est malheureuse, elle boit, se sent seule. La vie d’espion qui ne peut plus être sur le terrain est ennuyeuse, ils sont constamment surveillés, ne peuvent pas rencontrer n’importe qui, faire ce qu’ils veulent. Simon découvre la nouvelle vie de son frère entouré exclusivement d’autres espions ayant également trahi leur pays. Mais il s’interroge, que fait-il réellement là, quelles sont les véritables motivations de Franck, à quoi va-t-il le mêler ? Nous sommes plongés dans une atmosphère de suspicion et de paranoïa : qui ment à qui, qui manipule qui, quel complot est fomenté par qui ? La trahison pour ces agents exfiltrés est aussi naturelle que de respirer, aucun n’est transparent, tous cachent leurs véritables motivations, leur ego prenant le pas sur leur honnêteté.

Simon, et nous par extension, sommes remplis de doutes, de tension, de suspense silencieux, qui avance lentement accentuant ainsi une ambiance lourde, pleine de faux semblants, on devient claustrophobe dans ce Moscou écrasant.
Aucune caricature simpliste dans ce livre, Joseph Kanon ne tombe pas dans la facilité, il nous offre ainsi un roman d’espionnage complexe, tortueux, essoufflant par la tension qu’il nous fait ressentir. Et il nous fait découvrir un nouvel angle de la guerre froide, le monde vu par des occidentaux qui ont cru aux promesses des Russes, à leur vision d’un monde idéal.

Un très bon moment de lecture.

Ne faites confiance à personne…

Marie-Laure.

BERLIN 49 de Joseph Kanon/Policiers Seuil.

« Berlin-Est en 1949, territoire sous occupation soviétique. Alex Meier, jeune écrivain juif qui avait quitté avant guerre la ville pour les Etats-Unis, est de retour, contraint par la menace de la chasse aux sorcières maccarthyste. Encore bercé par l’idéal communiste de sa jeunesse, il arrive dans sa ville natale peu après un réfugié célèbre, Bertolt Brecht, et découvre la vie quotidienne (ruines, couvre-feu, rationnement, propagande, délation…) en même temps qu’il retrouve son amour de jeunesse, une aristocrate allemande devenue la maîtresse d’un dignitaire soviétique. Les circonstances particulières de leurs vies respectives – lui a laissé En Amérique un fils, qu’il veut être sûr de revoir, elle a un jeune frère poursuivi par la police – contraignent Alex à devenir espion pour la CIA. Mais pour quel camp opère-t-il, au bout du compte ? La reconstitution du Berlin d’après guerre est époustouflante (en particulier la première de Mère Courage en présence de Brecht), la réflexion sur les dangers de l’idéalisme aveugle menée avec finesse, et le dénouement digne de Casablanca.  »

Après un intermède stambouliote avec « Le passager d’ Istambul « Joseph Kanon retrouve le terrain de jeu qui l’a révélé avec l’adaptation au cinéma de « L ‘ami allemand »par Steven Soderbergh (avec George Clooney,Cate Blanchett et Tobey Maguire).
Retour au Berlin de l’immédiat après-guerre au propre comme au figuré puisque le cœur de l’histoire c’est le retour d’Alex Meier un jeune et brillant écrivain. Après avoir fui les nazis juste avant la guerre pour les USA, il se voit contraint de faire le chemin inverse autant a priori par convictions idéologiques que pour échapper aux chasses aux sorcières du sénateur McCarthy.
En janvier 49 l’avenir du monde se joue à Berlin et semble proche de basculer dans un nouveau conflit.Les Russes sont les nouveaux maîtres,le blocus de la ville bat son plein et le pont aérien pour le ravitaillement de la partie ouest de la ville tourne à plein régime quand les artistes et/ou intellectuels allemands communistes ou socialistes font le retour.
Dans son style racé Joseph Kanon joue avec les ambiguïtés de la période: récupération des nazis, exploitation des prisonniers de guerre allemands, agents doubles, manipulations, trahisons…… et histoire d’amour: Alex retrouve Irene, ils vont tenter de survivre et revivre au milieu du chaos.

Comme souvent avec Kanon il faut un temps de mise en route, qui pourrait rédhibitoire pour certains, pour que son style emprunt de classicisme trouve son rythme de croisière et une fois qu’il est atteint l’histoire prend toute sa force. Un très beau roman d’espionnage dans lequel tout le monde est prêt à payer le prix du billet de retour.

Fab.

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