Traduction : Alexis Brossolet.

Chan Ho-Kei, informaticien, scénariste, concepteur de jeux vidéo hongkongais a commencé par écrire des nouvelles. Son premier roman non traduit en France a reçu le prix Shimada, le plus important de la littérature policière en langue chinoise en 2011. Dans cette littérature, les polars sont classés en deux catégories : les romans orthodoxes où l’enquête est primordiale et les romans sociétaux. Deux genres entre lesquels Chan Ho-Kei n’a pas pu choisir : « Hong Kong noir », son deuxième roman appartient aux deux et de belle manière ! Il doit être adapté au cinéma par Wong Kar-Wai.

« C’est l’histoire d’un homme qui croyait qu’une justice était possible dans un pays en pleine mutation. C’est l’histoire de Hong Kong.

Hong Kong, 2013. L’inspecteur Kwan Chun-dok, véritable légende de la police, surnommé par ses collègues «le Divin Détective», est mourant. Des années durant, il a traqué les criminels sans faire de vagues, indifférent aux nombreux bouleversements qui ont secoué le pays. Et aujourd’hui son partenaire, l’inspecteur Lok, vient lui demander une dernière fois son aide pour une enquête particulièrement délicate. Une enquête qui le ramène des années en arrière, à l’époque où il faisait ses armes au sein de la police hongkongaise et cherchait à mettre un des plus dangereux mafieux des triades derrière les verrous. »

Ce roman est construit avec six histoires où on retrouve les personnages principaux : Kwan Chun-dok, Sherlock Holmes chinois, la crème du « détective en fauteuil » et Lok Siu-ming, son disciple, son fils spirituel. Kwan Chun-dok est un policier génial avec un taux d’élucidation de 100%, mais surtout il est prêt à tout pour attraper les coupables qu’ils soient terroristes, gangsters, mafieux ou policiers ripoux… Kwan Chun-dok a voué sa vie à combattre le crime, à protéger ses concitoyens et il vient à bout des criminels les plus retors. Il est intègre et incorruptible mais ne respecte que très peu les criminels et n’hésite pas à bluffer, à tendre des pièges, à les battre à leur propre jeu en étant encore plus retors, tenant peu compte de la légalité de ses stratagèmes. Rien ne le révolte plus que des coupables impunis surtout quand ils sont puissants avec une grande capacité de nuisance. Issu lui-même du peuple, il sait ce qu’être pauvre veut dire et que ça signifie aussi souvent sans défense. Sa vocation est là : protéger ceux qui en ont besoin même s’il doit aller à contre-courant de sa hiérarchie.

Chan Ho-kei remonte le temps à chaque histoire, de 2013 à 1967 et chacune est une enquête entière, comme une nouvelle, qui dévoile un pan de l’histoire de Hong Kong, l’ambiance de l’époque… On y retrouve Kwan Chun-dok, parfois Lok Siu-ming, on comprend leur évolution, leur rencontre, leurs rapports. D’autres personnages apparaissent dans plusieurs histoires, leurs vies sont brillamment imbriquées dans le récit, fils de trame d’un tissage savant aux motifs complexes qui finit par former une grande fresque de Hong Kong, un panorama historique de cette ville dont l’histoire a été mouvementée au cours de ce demi-siècle. Des émeutes de 1967 à notre époque, en passant par la rétrocession en 1997, Chan Ho-kei retrace l’histoire de Hong Kong. Une histoire très noire, le pouvoir a changé de mains, mais les pauvres n’ont pas forcément profité de ce changement et la corruption n’a pas reculé.

Dans la postface, Chan Ho-kei explique la genèse du livre : la première partie de ce roman était à la base une nouvelle pour un concours de nouvelles avec un détective en fauteuil. Elle était trop longue et il voulait mêler roman orthodoxe et roman sociétal : il l’a alors retravaillée, enrichie et c’est devenu ce livre.

Un défi complètement réussi : six enquêtes comme des pépites réunies en un roman passionnant. Le motif se dégage de l’ensemble des histoires et de l’éclairage que chacune apporte aux autres avec une facilité pour le lecteur qui démontre un grand talent et une grande intelligence.

Magistral.

Raccoon.