Traduction: Mona de Pracontal.

Les romans dont vous n’attendez pas grand-chose d’autre qu’un bon moment de lecture  vous procurent parfois le plus de plaisir. De Hannah Tinti, je ne connaissais rien et seul le titre évoquant à plein nez le western m’avait séduit. Par contre, dans mes lectures estivales, je compte bien m’enfiler « le bon larron » son premier roman, paru, lui aussi chez Gallimard en 2009.

« Samuel Hawley n’est pas un père tout à fait comme les autres. C’est un marginal, un esprit libre qui a vécu sur la route pendant des années, commettant cambriolages et larcins. C’est aussi un passionné d’armes à feu et, dès que sa fille Loo atteint l’âge de douze ans, il lui en enseigne le maniement dans un bois du Massachusetts. Les armes ont marqué sa vie tout comme son corps, criblé de douze impacts de balle, autant d’histoires importantes dans le destin de cet homme que l’auteur entreprend de raconter. Elles viennent entrecouper l’autre histoire, celle de la quête que mène Loo pour en savoir plus sur sa mère, morte tragiquement peu après sa naissance… »

« Les douze balles dans la peau de Samuel Hawley » touchera, espérons-le, un très large public parce qu’il le mérite déjà pour son histoire mais aussi par son ouverture sur différents genres : parfois western moderne avec des duels épiques ou tragiques, souvent roman sociétal montrant différents visages d’une Amérique de par le périple de Hawley et de Loo sa fille pour fuir les sales combines foirées par le père, très loin des canons vantés par les promoteurs d’un rêve américain et surtout et toujours roman racontant l’histoire d’un père et de sa fille dans le deuil et le mystère de la disparition de la mère et épouse avec bien sûr le thème ricain récurrent de la rédemption traitée ici souvent de manière très touchante et amenée sans avoir l’air d’y toucher.

Utilisant un ton léger, Hannah Tinti semble raconter une histoire juste tragi-comique mais ne vous y fiez pas, on est  souvent dans le gros drame et parfois même dans le crève-cœur. Outre le terrible final peut-être un peu rocambolesque, plusieurs passages sont porteurs d’énormes émotions. L’humour présent dans tout le roman permet de moins s’appesantir sur le pathos mais on voit très bien comment un Benjamin Whitmer nous déglinguerait avec une telle histoire en appuyant là où cela fait déjà mal. Non, ici, on se rapproche plus du ton « des frères Sisters » mais de bien plus belle manière.

Intelligemment composé, le roman alterne avec bonheur chapitres sur la vie actuelle de Hawley et Loo et narrations sur les douze balles qui ont troué la peau de notre héros poissard. Si l’histoire racontant le présent des personnages aurait pu être un peu abrégée par moments dans la première partie, par contre, on savoure le chemin de croix des douze impacts de balles frappant notre héros dans sa vie, en se demandant quelle épreuve, quel duel, quelle couillonnade, quelle calamité va encore s’abattre sur un Hawley, tout sauf une pointure, dans le domaine du vol.

La composition très travaillée et le mélange des genres auraient pu donner quelque chose de boiteux mais il n’en est rien. Une fois la dernière ligne lue, on voit la belle architecture, on comprend la belle harmonie, on constate l’immense talent de conteuse de Hannah Tinti et on ressort de ce roman enchanté par la bien belle histoire de Hawley et Loo, l’œil peut-être un peu brillant…

Epatant !

Wollanup.