Traduction: Jean Christophe Salaün
L’islande semble être le nouvel Eldorado du polar pour les éditeurs français. Chacun y va de son auteur en -son ou en -dottir avec plus ou moins de réussite avec parfois un certain foutage de gueule totalement assumé. Un nom avec une fin en -son ou en -dottir et des accents ou des lettres inconnues sous nos latitudes, une histoire avec des souvenirs ensevelis, des gens taiseux, la sauvagerie des éléments, une couverture avec de la neige et une pauvre cabane en bois coincée dans l’immensité glacée ou cachée dans des bois bien noirs pour souligner l’hostilité de la nature et ça roule, le gogo en quête d’exotisme succombe. Après nous avoir longtemps saoulé avec les romans scandinaves jusqu’à l’écoeurement, l’Islande est vraiment la nouvelle aubaine des éditeurs. On en arrive à se demander si en Islande, moins peuplée que la Martinique, on ne naît pas tous avec un stylo pour raconter les malheurs et malédictions enfouis sous la glace. Et peu importe la valeur du polar, du moment que le décor tourmenté soit bien présent.
On ne peut faire ce procès à Métailié qui est en France l’éditeur qui nous a fait découvrir Arnaldur Indriðason, auteur prolifique et certainement à l’origine de la vague islandaise actuelle dans le polar. Dans la foulée, apparut sur le catalogue de l’éditeur, quelques années après, Árni Þórarinsson (Thorarinsson) avec une vue beaucoup plus moderne de l’île, confirmant la qualité notée chez son aîné. Puis, plus récemment, vint Lilja Sigurdardóttir auteure aussi chez Métailié d’une trilogie nommée Reykjavik noir. C’est elle qui nous intéresse aujourd’hui avec un roman au titre un peu désolant mais au contenu recommandable.
“Aurora vit en Angleterre et sa sœur Isafold en Islande, elles sont très différentes et ont des relations compliquées. Isafold disparaît et leur mère, ne faisant pas la différence entre enquêtrice financière et enquêtrice policière, supplie Aurora d’aller chercher sa sœur.
Aurora ne peut pas s’empêcher de pratiquer ce qu’elle fait de mieux, démasquer les fraudeurs et les faire payer. Elle va donc profiter de ce voyage pour examiner de près certains investissements financiers douteux, et analyser la corruption islandaise tout en testant ses capacités de séduction sur deux hommes.”
Ce qui fait avant tout la force du roman, c’est Aurora, son personnage principal tout sauf recommandable. Elle séduit un homme fortuné qui tombe amoureux d’elle et elle entreprend de l’espionner afin de fouiller ses finances tant elle est sûre qu’elle a affaire à un spécialiste du blanchiment d’argent, la fraude fiscale semblant être le sport national en Islande. Elle est tellement accaparée par sa tâche qui peut s’avérer très lucrative si elle arrive à coincer le type et à le dénoncer qu’elle en oublie un peu, beaucoup, l’objectif principal de son retour forcé en Islande, retrouver sa sœur disparue.
Le suspense, sans être fou, on se doute un peu de l’issue de l’enquête, donne néanmoins l’envie de poursuivre tant les pistes sont nombreuses et laissent planer pas mal de doutes. Les chapitres sont courts et donnent un bon rythme à un roman qu’on peut aisément lire d’une traite et poser ensuite sans avoir eu l’impression d’avoir été pris pour un pigeon. Couvrant intelligemment des thèmes comme les violences faites aux femmes, l’isolement, la solitude, la marginalisation, l’émigration forcée, les magouilles financières, “Froid comme l’enfer” est un roman très actuel, de son époque, brassant des thématiques très occidentales et pas seulement islandaises qui séduira un public très étendu, fatigué de certaines fadaises et niaiseries folkloriques proposées par certains éditeurs dont nous tairons le nom.
Islandaise recommandable.
Clete
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