In Defence of the Act
Traduction: Adrien Durand

Quel est le point commun entre le rat-taupe, le bourdon et l’araignée money spider ? Ces espèces sont capables de se suicider pour protéger les leurs et garantir la transmission des gènes. Jessica Miller, une jeune Londonienne, chercheuse en psychobiologie, se passionne pour le sujet et décide d’étudier les possibles correspondances avec le monde humain. Quand se mêlent son intellect de scientifique, des réminiscences de traumatismes familiaux et un chaos imposé par sa cadette adorée, Jessica s’interroge sur sa capacité au bonheur et à échapper aux schémas destructeurs de ses ascendants.
Intitulé In defence of the Act dans sa langue originale, le premier roman de l’Anglaise Effie Black porte titre un peu plus ouvert à l’interprétation et donc éventuellement plus lumineux, En finir avec les jours sombres, mais le sujet n’en reste pas moins clivant et prête à débat. Cela sort chez Le Gospel et pour l’occasion, Adrien Durand, le taulier de la maison d’édition, prend également la casquette de traducteur.
Jessica Miller, protagoniste principale de ce livre, va connaître quelques drames dans sa vie qui l’amèneront à élaborer une théorie intéressante mais pas exactement répandue dans notre société. Jeune, elle vivra la tentative de suicide ratée de son propre père, personnage violent qui impactera durablement la cellule familiale. Plus tard, ce sera une autre tentative de suicide, réussie cette fois, qui va la marquer. Celle d’une personne qu’elle tenait en estime, dont elle se sentait proche, mais dont le suicide révèlera à Jessica que cette personne n’était pas celle qu’elle pensait connaître et que son geste a certainement permis d’éviter le pire et donc de préserver les premier(e)s concerné(e)s. Sa théorie est donc que le suicide, sujet encore relativement tabou et mal perçu en général, peut s’avérer être un geste altruiste et bénéfique pour la société. C’est dans sa vie professionnelle, au travers de recherches scientifiques sur certaines espèces animales, qu’elle tente de confirmer ou d’étayer cette théorie. Pour autant, plus tard dans sa vie, un autre drame viendra brutalement remettre en question ce qu’elle pensait jusqu’alors. Mais En finir avec les jours noirs est également l’histoire d’une jeune femme queer qui tente de se construire une vie, affective et sentimentale notamment, en essayant tant bien que mal de conjurer son passé plutôt que de le laisser complètement dicter son présent et son futur.
A mon sens, la théorie développée par Jessica Miller est particulièrement intéressante. Bien évidemment, c’est un sujet difficile, mais elle permet de voir les choses sous une autre perspective et d’ouvrir la discussion. Comme je l’ai écrit précédemment, cette théorie se trouve remise en question dans la dernière partie du livre, il n’y a donc pas ici une prise de position tranchée de la part de l’autrice. Mais aussi dur soit le sujet, le ton d’Effie Black qui ne manque pas de traits d’humour façon british et demeure toujours très rationnel, ne le rend pas pesant et évite que le livre sombre dans un pathos trop intense et potentiellement indigeste. Écrit à la première personne, En finir avec les jours noirs donne l’impression de lire un récit autobiographique, presque un essai ou des mémoires, ce qui laisse dire, une fois encore, que la fiction est parfois le meilleur moyen de raconter la vérité. La fin, un poil trop conventionnelle, est sans doute la seule chose qui vient un peu noircir le tableau. Au final, le livre d’Effie Black est peut-être plus une ode à la vie qu’il n’y paraît.
En finir avec les jours noirs est un premier roman honnête et touchant. Une approche singulière mais intelligente d’un sujet particulièrement sensible. Grâce à Effie Black, peut-être allez vous découvrir que vous êtes plutôt un grain de café, une carotte, un œuf ou encore un sachet de thé. Comprendra qui lira.
Brother Jo.
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