Chroniques noires et partisanes

Étiquette : Duane Swierczynski

L’OURS DE CALIFORNIE de Duane Swierczynski / Rivages Noir.

California Bear

Traduction: Sophie Aslanides

Jack Queen, alias Killer, vient de sortir de prison grâce à Cato Hightower, un ex-flic du LAPD. Il a été blanchi pour un meurtre qu’il finit pourtant par avouer. Sa fille de 15 ans, Mathilda, veut à tout prix savoir si son père est coupable et mène l’enquête. Quant à « L’Ours de Californie », c’est un tueur en série qui n’a plus fait parler de lui depuis trente ans mais il est dans le collimateur de Hightower qui compte bien le confondre avec l’aide de Jack Queen. Qui a vraiment tué ? Qui ment ? Qui cherche à se venger de qui ?

Ne cachons pas le plaisir qui fut le nôtre en découvrant le retour de Duane Swierczynski auteur et scénariste de BD qui nous avait séduit autrefois avec The blonde ou Revolver et qui était resté trop longtemps muet. Du polar rugueux, malin, du page-turner efficace et parfait pour meubler un weekend pluvieux ou pour tout simplement s’évader aux USA et ici, plus précisément, en Californie.

N’ayant rien perdu de son talent pour créer des intrigues addictives, Duane Swierczynski nous entraîne très rapidement dans une histoire noire avec des personnages mystérieux dont la face cachée est suffisamment troublante pour qu’on enfile les pages. Le plaisir est immédiat pas vraiment mémorable non plus, il ne faut pas exagérer mais cela fonctionne bien…

Mais hélas, personnellement ça n’a pas fonctionné totalement pour moi. Un problème de casting qui certainement ne gênera pas la plupart des lecteurs mais qui m’a sorti totalement de cette intrigue pourtant bien menée, moins noire qu’autrefois et souvent balayée par un humour noir bien senti. Un personnage, et il ne s’agit pas de remettre en cause les choix de l’auteur, nuit dès le départ au ton général assez railleur, plombe, fait plonger le roman dans la grosse émotion dans son dernier tiers.

En lisant la postface, on comprend et respecte les raisons de la direction prise par l’auteur mais les conséquences sur une histoire devenue trop hybride, sans être totalement rédhibitoires s’avèrent quelque peu dommageables à l’aspect jubilatoire initial du roman.

Clete.

REVOLVER de Duane Swierczynski / Rivages.

Classique ? Peut-être. Efficace ? Et comment !

Le dernier Duane Swierczynski a tout simplement la classe : tout d’abord parce que le plus coriace des personnages est à nouveau… une femme (pardonnez ma subjectivité mais ça fait vraiment plaisir).

Par la construction également : quatorze chapitres divisés chacun en trois parties aux temporalités différentes : 1965, 1995 et 2015. Un cold case qui plombe cette famille de flics d’ascendance polonaise, les Walczak, depuis que Stan, le grand-père, s’est fait assassiner aux côtés de son coéquipier, George Wildey dans un bar des quartiers nord de la Philadelphie pendant qu’ils attendaient un indic. Un braquage qui a mal tourné ? Une enquête qui se serait trop avancée là où il ne le fallait pas ? Ou alors le tandem complice constitué par un flic polonais et un policier noir à une époque où le racisme battait son plein aura fini par agacer certains ?

Quoi qu’il en soit, ce double meurtre hantera les Walczak durant des décennies : la force de Swierczynski est de faire avancer en parallèle l’histoire qui aura coûté la vie des deux flics en ‘65 et les enquêtes de Jim – le fils et d’Audrey – la petite fille, des décennies plus tard.

Jim donc, devenu à son tour inspecteur de police, apprend en ’95 que le tueur présumé de son père a été libéré de prison. Il en devient obsédé jusqu’à s’imaginer rendre justice par lui-même. Enfant, il l’avait promis sur la dépouille de Stan : « Je vais trouver l’homme qui a fait ça. Et je vais le faire payer. » Seulement voilà, quelqu’un le devance et le cadavre de Terrill Lee Stanton n’aide Jim pas à baisser sa furieuse consommation d’alcool. Ni à tourner la page.

Vingt ans plus tard, en 2015, la ville de Philadelphie organise une cérémonie de commémoration des deux coéquipiers tués dans l’exercice de leur devoir. Aucun membre de la famille ne peut manquer cet événement, pas même Audrey, la fille cadette de Jim, la brebis galeuse qui carbure au Bloody Mary dès de réveil et qui avait coupé tout lien avec sa famille. Elle n’a pas froid aux yeux, la Audrey, et encore moins lorsqu’il s’agit de replonger dans cette affaire qui aura empoisonné sa famille dès le moment où le corps inanimé de papi Stan avait touché le sol du bar où il sirotait sa bière.

Il y a tout ce qu’il faut dans ce polar : une intrigue serrée comme un nœud marin, une excellente documentation de l’histoire contemporaine de la Philadelphie et de sa police, des personnages cinématographiques qui suintent tous le désespoir, c’est noir et humain à la fois comme un bon morceau de blues.

Monica.


© 2025 Nyctalopes

Theme by Anders NorenUp ↑