Olivier Martinelli pourrait occuper une place plus conséquente dans nos chroniques « noires et engagées ». Né en 1967, le Sétois avait eu son temps un sacré badge of honor en étant publié il y a dix ans (le seul écrivain français à y parvenir) chez 13e Note, l’éditeur (2008-2014) aux références nickel côté fous furieux ou francs-tireurs : Dan Fante, Mark SaFranco, Willy Vlautin… On en parle encore. D’autres textes noirs, souvent infusés de culture rock, suivaient La nuit ne dure pas : L’ombre des années sereines en 2016, Mes nuits apaches en 2020, des participations à des tributes littéraires dédiés aux Thugs, à OTH, à l’album Sandinista de The Clash… Plus récemment, l’auteur s’était consacré à un récit autobiographique (L’homme de miel, 2017) et un diptyque de fantasy, Le livre des purs. Avec De sang et d’or, il renoue avec sa veine originelle, de surcroît au sein d’une toute nouvelle collection, lancée ce printemps.
Des meurtres sordides ensanglantent Paris. Les organes prélevés sur les victimes semblent servir une énigme indéchiffrable, un dessein mystérieux.
Dans une atmosphère de fin du monde, deux lieutenants de la brigade criminelle mènent l’enquête… Porteurs de leurs propres secrets, ils avancent sur le fil du rasoir et vont livrer une ultime partie d’échecs contre l’esprit machiavélique du tueur…
Dans un Paris hivernal contemporain, comme esquissé à l’eau-forte sur une plaque de zinc, des meurtres qui se révèlent bien vite sériels mobilisent l’équipe de Baumel et Cortini, deux flics qu’aucune affinité apparente ne rapproche mais qui pourraient se rassembler par la défiance qu’ils font naître chez leur hiérarchie ou leurs collègues. Dans un style sans falbala, le texte d’Olivier Martinelli se concentre sur la psychologie et les blessures intimes du tueur qui s’amuse à semer des indices macabres sur sa piste mais aussi sur celles de Baumel et Cortini, personnages abîmés et douloureux eux aussi.
Baumel dit l’Ombre est fils de flic, son père a été officiellement tué en opération, aux côtés des anciens qui sont devenus les collègues de Baumel. Mais quelque chose de son passé, de cette relation père-fils, le ronge et le rend désabusé et songeur. Il est solitaire. Son frère a refait sa vie en Amérique Latine. Sa mère perd la boule. Parfois, il trouve du réconfort dans les bras d’une étudiante qui se prostitue et qu’il ne sait pas aimer.
Cortini est seul lui aussi, largué par sa compagne, fille d’un hiérarque policier. Il boit la tasse sur le plan sentimental. Ses nuits sont hantées de visions cauchemardesques qui ne sont peut-être pas sans lien avec la psyché du tueur. Ses seuls amis : son père, écrivain compulsif mais sans ambition, et un voisin fan de rock comme lui.
Des meurtres en série, c’est en soi un sale boulot. Mais ceux-là semblent s’affirmer tout spécialement comme une adresse à ces deux flics cabossés, en porte-à-faux avec leur milieu professionnel. Une enquête qui les obligera à affronter leurs souvenirs et leurs blessures les plus secrètes, le vertige de leur destruction aussi. De la même manière qu’une formation ramassée guitare-basse-batterie peut nous faire toucher du doigt les sommets de la musique électrique, Olivier Martinelli revisite avec trois forts personnages la notion du duel où l’adversaire est l’autre et soi-même en même temps.
Un beau jeu d’échecs où les pièces maîtresses, le tueur, les deux flics, sont d’un métal écorcheur.
Paotrsaout
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